Nouvelle homélie de M. l'abbé Marc Bouchard, 15e dimanche de l'année C, 2016

Homélie
2016/07/12
Nouvelle homélie de M. l'abbé Marc Bouchard, 15e dimanche de l'année C, 2016

15e dimanche C 2016

Notre-Dame-des-Victoires

Homélie

(Deut 30,10-14 ; Col 1,15-20 ; Lc 10,25-37)

La première lecture nous a fait entendre un passage du Livre du Deutéronome, un livre qui nous ramène à un lointain passé. Même si ce livre de la Bible est très ancien, ce qui y est écrit peut nous dire quelque chose qui nous concerne. Le Deutéronome se présente comme étant le testament spirituel de Moïse, ce grand prophète qu’on considérait comme étant l’ami de Dieu. On peut lire dans un autre livre de la Bible, celui de l’Exode, ces mots : Dieu parlait avec Moïse, comme un ami parle avec un ami.

Moïse a conduit le peuple élu à travers le désert jusqu’à la Terre Promise, une marche longue et difficile. Durant cette longue marche, il s’est constamment tenu à l’écoute de Dieu. La Bible nous apporte tout plein de récits imagés pour nous faire connaître cette expérience spirituelle profonde de Moïse qui savait entendre Dieu lui parler, tout autant dans le silence de la solitude que dans les événements de la vie quotidienne.

La première lecture nous disait : Cette Loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. … Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur afin que tu la mettes en pratique. La Loi de Dieu est là au plus profond de nous-mêmes. La conscience, notre conscience personnelle, individuelle, si elle est bien informée, peut aussi être un lieu de révélation, un lieu où Dieu vient nous parler, si nous savons nous mettre à son écoute.

Le Concile dit ceci : Au fond de sa conscience, la personne humaine découvre la présence d’une loi qu’elle ne s’est pas donnée elle-même, mais à laquelle elle est tenue d’obéir. C’est une loi inscrite par Dieu au coeur de la personne. La conscience est le centre le plus intime et le plus secret de la personne, le sanctuaire où elle est seule avec Dieu et où sa voix se fait entendre.

Une conscience bien informée, pour un chrétien, une chrétienne, c’est celle qui se réfère à la Parole de Dieu, tout particulièrement à l’Évangile qui nous dit cette Bonne Nouvelle que sont la personne et le message de Jésus, le Chemin, la Vérité, la Vie. Pour nous baptisés, cela est plus important que les tous les sondages, même s’ils sont fortement majoritaires. Même l’Église, dans son magistère, dans son enseignement, même le Pape doivent se laisser guider par le message de Jésus, ils ne peuvent pas se permettre de parler ou d’agir à l’encontre de l’Évangile.

Dans sa parabole du Bon Samaritain, Jésus nous rappelle cette Parole de Dieu, déjà présente dans notre cœur, que notre conscience nous indique comme notre tout premier devoir : l’appel à aimer Dieu et à aimer notre prochain. Un seul et même commandement, dit Jésus.

Un docteur de la Loi est venu rencontrer Jésus. On peut s’étonner qu’un spécialiste de la Loi demande à Jésus de l’éclairer. C’était pour le mettre à l’épreuve, dit le récit. On se demandait parmi ces gens, qui prétendaient bien connaître les Écritures, quel ordre de préférence on pouvait établir dans l’amour des autres. La réponse habituelle était de se référer à un ordre de proximité, soit la famille immédiate, la parenté, les voisins, les amis, les Juifs fidèles à la Loi. On discutait toutefois pour savoir où on devait s’arrêter. On comprend alors sa question : Qui donc est mon prochain ?

Habilement, comme toujours, Jésus ne donne pas de réponse, mais raconte plutôt une histoire qui amènera le docteur de la Loi à se donner lui-même la réponse. Dans sa parabole, Jésus n’identifie personne, aucun des personnages n’est nommé. Le blessé est un inconnu, les bandits aussi, et les autres sont un prêtre, un lévite et un Samaritain. Ce dernier a toutefois une identité assez claire aux yeux des Juifs : il fait partie de ces croyants qui se sont éloignés de la loi de Moïse et donc qu’on ne doit pas fréquenter et même qu’on doit détester.

La parabole invite à se poser la bonne question. Il ne s’agit pas de se demander qui on doit aimer, préférer, et dans quel ordre, ou encore, comment se comporter à l’égard de ceux, de celles que la société invite à ignorer ou à rejeter ? Jésus a déjà souvent répondu à cette question, il est même allé jusqu’à dire qu’il fallait aimer ses ennemis.

Jésus renverse la question du docteur de la Loi. Pour lui, la vraie question, qui est notre prochain, ne porte pas sur les autres mais sur soi-même. Il ne s’agit pas de savoir qui est mon prochain, mais bien plutôt de qui je suis le prochain, de qui je me fais proche. La vie se charge inévitablement de nous mettre face à cette question.

Et il y aura toujours un Samaritain, une Samaritaine pour venir déranger, faire surgir cette question. On pourrait penser à Mère Térésa, à Jean Vanier, au pape François, à des personnes que nous connaissons qui savent se faire proches des autres, à des institutions, des organismes.

La question que la Parole de Dieu pose à notre conscience, ce n’est pas celle de la classification des personnes à aimer. Elle interroge plutôt notre capacité à nous libérer de nos préjugés sociaux, racistes, religieux, notre capacité d’abattre les murs, les frontières. Une vie nouvelle peut commencer quand on ose briser les tabous et risquer ce qui paraît trop exigeant ou même impossible. Un message toujours actuel que celui de cette parabole de Jésus ! On comprend que l’expression Bon Samaritain fasse partie de notre langage, tout le monde saisit vite ce que ça veut dire.           

Et c’est le message que nous laisse la Parole de Dieu de ce dimanche. Notre expérience personnelle nous nous a appris, nous apprend comment on peut être heureuses, heureux en vérité quand notre cœur s’ouvre à la Parole de Dieu et à la grâce, qui l’accompagne toujours. Quand nous entendons Jésus, parlant à notre cœur, à notre conscient, nous faire entendre les derniers mots de la parabole : Va, toi aussi, fais de même. … Fais de toi-même la Samaritaine, le Samaritain de ceux et celles qui ont besoin de ton amour.

Rendons grâce pour tous ceux, toutes celles qui, entendant la question de Jésus, de qui te fais-tu le prochain, acceptent d’être dérangés, touchés, émus à la manière de Dieu, par tout besoin d’aide, par toute souffrance et sont capables d’agir avec miséricorde et demandons d’être de celles-là, de ceux-là.