Acte de fondation

Acte de fondation du Séminaire de Québec par saint François de Laval (1623-1708)

Original des Lettres patentes pour la fondation du Séminaire de Québec (Crédits Photo MCQ)Lettres patentes établissant le Séminaire et le clergé (26 mars 1663)

FRANÇOIS, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège, Évêque de Pétrée, Vicaire-Apostolique en Canada dit la Nouvelle-France, nommé par le Roi premier Évêque du dit pays, lorsqu'il aura plu à N. S. P. le Pape y ériger un Évêché.

A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Salut.

Les Saints Conciles et ceux de Trente particulièrement, pour remettre efficacement la Discipline Ecclésiastique dans sa première vigueur, n'ont rien trouvé de plus utile que d'ordonner le rétablissement de 1'usage ancien des Séminaires, où l'on instruit les clercs dans les vertus et les sciences convenables à leur état.

L'excellence de ce décret s'est fait voir par une expérience toute sensible, puisque le grand St Charles de Boromée qui l'exécuta le premier, bientôt après ce Concile, et plusieurs Évêques qui ont suivi son exemple, ont commencé de redonner au Clergé sa première splendeur, particulièrement en France;

Ce moyen si efficace pour réformer la conduite ecclésiastique dans les lieux ou elle s'était affaiblie, nous a fait juger qu'il ne serait pas moins utile pour l'introduire où elle n'est pas encore, qu'il l'a été dans les premiers siècles du Christianisme; à ces causes, considérant qu'il a plû à la Divine Providence nous charger de l'Église naissante du Canada dit la Nouvelle-France;

Et qu'il est d'une extrême importance dans ses commencements de donner au Clergé la meilleure forme qui se pourra pour perfectionner des ouvriers, et les rendre capables de cultiver cette nouvelle vigne du Seigneur, en vertu de l'autorité qui nous a été commise, nous avons érigé et érigeons dès à présent, et à perpétuité, un Séminaire pour servir de Clergé à cette nouvelle Église, qui sera conduit et gouverné par les supérieurs que nous ou les Successeurs Évêques de la Nouvelle-France y établiront, en suivant les règlements que nous dresserons à cet effet;

Dans lequel on élèvera et formera les jeunes Clercs qui paraîtront propres au service de Dieu, et auxquels, à cette fin, on enseignera la manière de bien administrer les sacrements, la méthode de catéchiser et prêcher apostoliquement, la Théologie morale, les cérémonies, le plain-chant grégorien, et autres choses appartenantes au devoir d'un bon Ecclésiastique;

Et en outre afin que l'on puisse, dans le dit Séminaire et Clergé, former un Chapitre qui soit composé d'Ecclésiastiques du dit Séminaire, choisis par nous, et les Évêques du dit pays qui succéderont, lorsque le roi aura eu la bonté de le fonder; ou que le dit Séminaire de soi, aura le moyen de fournir cet établissement par la bénédiction que Dieu y aura donnée, nous désirons que ce soit une continuelle École de vertu et un lieu de réserve d'où nous puissions tirer des sujets pieux et capables pour les envoyer à toutes rencontres, et au besoin dans les paroisses, et tous autres lieux du dit Pays, afin d'y faire les fonctions curiales, et autres, auxquels ils auront été destinés, et les retirer des mêmes paroisses et fonctions quand on le jugera à propos, nous réservant pour toujours et aux successeurs Évêques du dit pays comme aussi au dit Séminaire par nos ordres, et des dits Sieurs Évêques, le pouvoir de révoquer tous les Ecclésiastiques qui seront départis et délégués dans les paroisses et autres lieux toutes fois et quantes qu'il sera jugé nécessaire, sans qu'aucun puisse être titulaire, et attaché particulièrement à une Paroisse, voulant au contraire qu'ils soient de plein droit, amovibles, révocables et destituables à la volonté des Évêques et du Séminaire par leurs ordres, conformément à la sainte pratique des premiers siècles, suivie et conservée encore à présent en plusieurs Diocèses de ce Royaume;

Et d'autant qu'il est absolument nécessaire de pourvoir le dit Séminaire et Clergé d'un revenu capable de soutenir les charges et les dépenses qu'il sera obligé de faire, nous lui avons appliqué et appliquons, affecté et affectons dès à présent et pour toujours toutes les Dixmes de quelque nature qu'elles soient, et en la manière qu'elles seront levées dans toutes les Paroisses et lieux du dit pays pour être possédées en commun et administrées par le dit Séminaire suivant nos ordres et sous notre autorité, et des Successeurs Évêques du pays, à condition qu'il fournira la subsistance à tous les Ecclésiastiques qui seront délégués dans les paroisses et autres endroits du dit Pays, et qui seront toujours amovibles, et révocables au gré des dits Évêques et Séminaire par leurs ordres; qu'il entretiendra tous les dits Ouvriers évangéliques, tant en santé qu'en maladie, soit dans leurs fonctions soit dans la Communauté, lorsqu'ils y seront rappelés;

Qu'il fera les frais de leurs voyages, quand on en tirera de France, ou qu'ils y retourneront, et toutes ces choses suivant la taxe qui sera faite par nous et les Successeurs Évêques du dit Pays, pour obvier aux contestations et aux désordres que le manque de règles y pourrait mettre;

Et comme il est nécessaire de bâtir plusieurs Églises pour faire le service divin, et pour la commodité des fidèles, nous ordonnons, sans préjudice néanmoins de l'obligation que les peuples de chaque paroisse ont de fournir à la bâtisse des dites Églises, qu'après que le dit Séminaire aura fourni toutes les dépenses annuelles, ce qui pourra rester de son revenu, sera employé à la construction des Églises, en aumônes et en autres bonnes œuvres pour la gloire de Dieu et pour l'utilité de l'Église, selon les ordres de l'Évêque, sans que toutefois, nous ni les successeurs Évêques du dit pays, en puisssions jamais appliquer quoique ce soit à nos usages particuliers, nous ôtant même et aux dits Évêques la faculté de pouvoir aliéner aucun fonds du dit Séminaire en cas de nécessité, sans l'exprès consentement de quatre personnes du corps du dit Séminaire et clergé, savoir le Supérieur, ses deux Assistants et le Procureur.

En foi de quoi nous avons signé ces présentes et y avons fait apposer notre sceau.

Donné à Paris, le vingt-six mars, mil six cent soixante-et-trois.

FRANÇOIS, Évêque de Pétrée.


TÊTU, H. et GAGNON, C.-O., Mandements, lettres pastorales et circulaires des évêques de Québec, vol.1, Imprimerie générale A. Côté et Cie, Québec, 1887, pp. 44-46.

Pour plus détails, voir le fichier Éléments d'histoire du Séminaire de Québec