Homélie pour la fête de Saint François de Laval, 6 mai 2019

Homélie
2019/05/07
Homélie pour la fête de Saint François de Laval, 6 mai 2019

Fête de Saint François de Laval
Séminaire de Québec
6 mai 2019
Homélie
(Tim 4,1-5 ; Jn 10,14-15)

 

Ce chapitre dixième de l’Évangile de saint Jean commence par une parabole de Jésus où il utilise l’image des brebis, de la porte, du berger. Mais il s’aperçoit que ses auditeurs ne semblent pas comprendre cette image, saisir ce qu’il veut leur dire. Il s’arrête, puis reprend la parole et ça nous vaut ce texte que nous venons d’entendre. On peut penser que François de Laval a souvent lu et médité ces paroles de Jésus, qu’elles ont éclairé et nourri ce qu’il a été, prêtre, évêque, pasteur.

Je suis la porte des brebis.… Je suis le bon pasteur, le vrai berger. …  Jésus quitte le langage de la parabole et se met à parler de lui-même, de ce qu’il est. Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent. La connaissance que Jésus a de ses disciples et de tous ces gens, que sa mission pastorale lui fait rencontrer, est telle qu’elle les dérange. Il n’est pas un berger, un pasteur comme les autres, comme ceux par exemple dont parlent les Écritures et qui doivent eux aussi passer par Jésus. Ignace d’Antioche écrit qu’Il est la porte par où entrent Abraham, Isaac, Jacob, les prophètes, les apôtres et l’Évangile.

Comme mon Père me connaît et que je connais le Père. Des mots qui disent la plénitude de sa proximité, de son intimité Dieu son Père. Cela est souvent souligné dans les évangiles, en particulier dans ces nombreux passages où il est dit qu’il se retirait pour prier, rencontrer Dieu, son Père. Ses apôtres, ses disciples s’en souviendront, après sa résurrection, quand deviendront vivants dans la mémoire de leur cœur tous ces souvenirs de leur vie avec leur Seigneur et Maître, souvenirs qui seront au cœur de leur prédication.

Si Jésus s’attribue le titre de bon pasteur, c’est aussi parce que la mission dans laquelle il s’est engagé exige de sa part le don de sa vie. Je suis le vrai berger qui donne sa vie pour ses brebis. Alors qu’il monte vers Jérusalem, il prend de plus en plus conscience que sa mission l’amène à risquer sa vie et il accepte ce qui s’annonce. Je donne ma vie pour mes brebis, je la donne de moi-même. Et il la donne aussi pour d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie, pensant sûrement à tous ces croyants qui viendront de partout, par l’intermédiaire de ses disciples, et qui à cause d’eux croiront en lui.

La relecture de la vie de François de Laval et de ses écrits nous dit bien pourquoi ceux qui ont bâti cette liturgie de la Parole, pour sa fête annuelle, ont choisi ces textes que nous venons d’entendre. Ces paroles évoquent ce qui peut le mieux définir sa vie, dire ce qu’il a voulu être, ce qu’il a été. On a souvent rappelé que l’Église a reconnu François de Laval comme bienheureux puis comme saint sans qu’on lui ait attribué officiellement des miracles. Ne serait-ce pas dû au fait que l’étude de sa personne et de sa vie a clairement révélé qu’il a été un pasteur remarquable, qu’il a voulu marcher fidèlement sur la route que lui indiquait l’Évangile et que ce qui le définit le mieux, ce qui dit ce qu’il a été, c’est le souci de son peuple, sa grande charité pastorale.

La charité d’un pasteur totalement donné à sa mission, une charité pastorale vécue quotidiennement dans le concret de son ministère, comme prêtre, puis comme évêque. On peut reprendre, pour parler de lui, les mots de saint Paul à Timothée entendus dans la première lecture : Proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. … En toute chose, garde la mesure, supporte la souffrance, fais ton travail d’évangélisateur, accomplis jusqu’au bout ton ministère. Cela parle fort bien de ce pasteur qu’a été François de Laval.

Quelques années après son ordination, il renonce à l’Archidiaconat d’Évreux puis à la Seigneurie de Montigny et se retire à l’Ermitage de Caen, une école vie intérieure, où il passe quatre années. Habité par le désir d’être missionnaire, il devient l’évêque d’un immense territoire de mission, un vicariat apostolique. En 1659, il fait donc, du 13 avril au 16 juin, cette longue et sûrement pénible traversée qui l’amène de la France à Québec. Moins de quatre ans plus tard, il fonde cette institution qui nous rassemble aujourd’hui et qui sera le lieu où il vivra, avec les prêtres et les séminaristes, son évêché, la maison où il mourra en 1708.

C’est de là, donc d’ici, qu’il partira pour les quatre exigeantes visites pastorales qui lui feront parcourir le vaste territoire de son diocèse. Un signe qu’il voulait être présent à toute la vie de ce pays en train de se bâtir, se manifestant tellement désireux de connaître ses brebis et, comme il a dit dans une lettre à ses prêtres, il n’a pas cessé lui aussi tout au long de son ministère d’aller à toutes rencontres. Il aimait ce peuple auquel il avait fait don de sa vie, disant à ses prêtres et se disant à lui-même : N’avoir rien dans notre vie et dans nos mœurs qui paraisse démentir ce que nous disons ou qui mette de l’indisposition dans les esprits et dans les cœurs de ceux qu’on veut gagner à Dieu.

Quand il a été déclaré bienheureux puis saint, sûrement que l’Église a reconnu que cette grande charité pastorale, qui a marqué toutes ses activités, s’enracinait dans la prière, pour lui un profond besoin qui l’a habité depuis son enfance jusqu’à la fin de sa vie. En 1685, à la suite de sa démission, quand il a reçu la réponse du roi lui interdisant de revenir à Québec, il a écrit aux prêtres du Séminaire de Québec : Je n’eus pas plus tôt ma sentence que Notre Seigneur me fit la grâce de me donner les sentiments d’aller devant le très Saint-Sacrement lui faire un sacrifice de tous mes désirs et de ce qui m’est le plus cher en ce monde.  

Trois ans plus tard, il obtiendra l’autorisation du Pape et du Roi de revenir à Québec pour se retirer chez lui, dans son Séminaire. Comme Mgr de Saint-Vallier, son successeur, sera absent durant de nombreuses années, il continuera à exercer son ministère épiscopal pendant vingt ans, être pasteur était toute sa vie ; à 79 ans, il se rendra à Montréal pour y célébrer des confirmations.

Il est intéressant de rappeler cela et tellement d’autres faits dans la vie du premier évêque de notre Diocèse, du fondateur de notre Séminaire, parce que c’est dans ce cadre qu’il s’est sanctifié, ce cadre de vie qui est aussi le nôtre. La communauté des prêtres du Séminaire, les communautés du Grand et du Petit Séminaire ont été les lieux où il a vécu son ministère, caractérisé par une grande charité pastorale qui prenait sa source dans une vie de prière personnelle et liturgique. Il est intéressant de rappeler l’importance qu’a occupée la liturgie dans sa vie et dans son ministère alors que son Séminaire accueil cette semaine des responsables de la liturgie francophone internationale.

Nous sommes heureux de rendre grâces aujourd’hui de ce qu’il y a dans le ciel un saint qui se veut sûrement très proche de nous et dont nous pouvons nous faire très proches. Ce que sa charité pastorale lui a fait bâtir est encore là bien vivant, sont là aussi beaucoup de ses paroles, dont la langue est peut-être un peu loin de nous, mais ce qu’elles nous disent demeure tout à fait actuel. Entendons ce passage d’une de ses lettres aux prêtres du Séminaire, évoqué sur le monument qu’on peut voir à l’entrée du Séminaire :

Il y a longtemps que Dieu me fait la grâce de regarder tout ce qui m’arrive en cette vie comme un effet de sa grâce. Tout ce que la main de Dieu fait nous sert admirablement, quoique nous n’en voyions pas sitôt les effets. Il y a bien des années que la Providence conduit cette Église, et nous par conséquent, tant pour le spirituel que pour le temporel. Pourvu que sa sainte volonté soit faite, il ne nous importe.

Marc Bouchard, prêtre
mbouchard751@gmail.com