Homélie pour la fête de l'Ascension du Seigneur par M. l'abbé Marc Bouchard

Homélie
2016/05/09
Homélie pour la fête de l'Ascension du Seigneur par M. l'abbé Marc Bouchard

Homélie pour la fête de l’Ascension du Seigneur 

Cathédrale Notre-Dame de Québec

8 mai 2016

(Ac 1,1-11 ; Heb 9,24-28,10,19-23 ; Lc 24,46-53)

L’Ascension du Seigneur, un mystère difficile à saisir, difficile aussi à raconter ! Nous avons tous vu des peintures, des vitraux, des images nous montrant Jésus s’élevant vers le ciel, et les apôtres le regardant s’en aller, tout étonnés. Leur Maître auquel ils étaient tellement attachés va disparaître derrière les nuages. Comme sur cette très belle icône qu’on trouve sur la page couverture du Prions en Église. Mais nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que ça ne peut pas s’être passé comme ça. Toutefois, si on veut visualiser cette expérience spirituelle tout à fait hors de l’ordinaire, on ne peut pas faire autrement que de la représenter de cette manière.

Il s’agit d’un événement que les apôtres et les disciples ont vraiment vécu : un jour, leur lien avec Jésus a radicalement changé, mais cet événement ne peut être connu que dans la foi ! Un événement qu’on a peine à imaginer parce qu’il nous parle d’un autre monde, un monde situé en dehors du nôtre, l’entrée du Ressuscité dans le monde de Dieu. L’Ascension, un événement difficile à raconter avec nos mots et nos images à nous.

Justement, la liturgie nous en fait lire aujourd’hui deux récits, deux récits différents du même événement, et deux récits de saint Luc, du même auteur. Un premier, par lequel il termine son évangile, un récit tout simple : Tandis que Jésus bénissait ses disciples, il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. Ils retournèrent à Jérusalem, remplis de joie. Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu.

Si nous lisons tout le dernier chapitre de son évangile, nous voyons que l’évangéliste semble placer l’Ascension le soir même de Pâques, comme si la Résurrection et l’Ascension avaient eu lieu le même jour. Ce récit de l’évangile de Luc vient comme mettre fin à la vie terrestre du Seigneur, à l’aventure humaine du Fils de Dieu.

Son deuxième récit, par lequel Luc fait commencer les Actes des Apôtres, a été rédigé plus tard que le premier et est plus élaboré. Il situe l’Ascension quarante jours après Pâques, comme si c’était la dernière apparition de Jésus. Pendant quarante jours, il leur était apparu, et leur avait parlé du royaume de Dieu. Ce récit met l’accent sur le début du temps de l’Esprit, qui fera des Apôtres des envoyés de Jésus. Ainsi commence le temps de la mission ; un récit qui veut marquer le début de la grande marche de l’Église, jusqu’aux extrémités de la terre.

Par ces deux récits, Luc veut faire comprendre à ses lecteurs, ceux de son époque et ceux qui viendront dans la suite des siècles, le vrai sens de l’Ascension du Seigneur. Ce qu’il veut que nous saisissions, c’est que l’Ascension n’est pas la séparation de Jésus avec ses disciples, avec cette communauté qu’il avait rassemblée ; elle n’est pas le départ de quelqu’un qu’ils aimaient, ni la fin d’une belle aventure.

Au contraire ! Si on lit les récits de l’Ascension avec beaucoup d’attention, en essayant de comprendre ce que les mots et les images employés veulent dire, on n’y voit pas le récit d’un adieu, mais bien plutôt celui d’un envoi en mission : Vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre. De fait, les apôtres ont bien compris ce qui leur était dit, ils ne sont pas restés là à regarder le ciel, leurs cœurs enfermés dans la passé.

Alors ils retournèrent à Jérusalem, continue le récit des Actes des Apôtres, non pas pour se rendre prier au Temple, comme dit le récit évangéliques, mais plutôt pour se rassembler et prier dans ce lieu où l’Esprit leur sera donné et d’où ils partiront pour aller proclamer le Parole. En prenant la route pour aller faire connaître Jésus, ils vont faire l’expérience de sa  présence avec eux, ils vont le reconnaître marchant avec eux. Rappelons-nous le récit de la rencontre de Jésus vécue par ces deux disciples qui marchaient sur la route d’Emmaüs, un récit aussi écrit par Luc.

Présence réelle ! Présence réelle malgré l’absence physique, proximité malgré la distance. L’Ascension, c’est cette forte et éclairante expérience vécue par les apôtres : celui qui les avait quittés, voilà qu’il marche avec eux sur cette route de la mission, la route qui sera leur vie : faire connaître le Ressuscité, faire naître des disciples par le baptême et les rassembler dans des communautés de foi.  

Dans une homélie sur l’Ascension, le pape Benoît XVI disait : Le Christ ne se trouve pas à deux mille ans de distance, il est réellement présent parmi nous, il est la lumière qui nous fait vivre et avancer dans la vie. … Aujourd’hui, la priorité pastorale est de faire de chaque chrétien, de chaque chrétienne une présence rayonnante de la perspective évangélique au milieu du monde, dans la famille, dans la culture, dans l’économie, dans la politique. Celui qui est monté au ciel est resté présent dans notre monde, avec nous. À nous de témoigner de sa présence !

Voilà le sens de l’Ascension : un appel fait aux disciples du Seigneur, aux chrétiennes et chrétiens, un appel à cheminer dans la foi, avec cette certitude que celui qui n’est plus visible est quand même là à leur côté. L’apôtre Paul disait dans la deuxième lecture : Le Christ est entré dans le ciel afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. Celui qui marche avec nous sur la route est aussi celui qui ne cesse pas d’intercéder pour nous auprès du Père.

Il est intéressant de remarque que saint Luc commence son Évangile en annonçant la venue de l’Emmanuel, Dieu parmi nous, et il le termine en disant que cette présence se continue : Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde. Noël et l’Ascension, le début et la fin d’une histoire qui se continue. Voilà ce que nous dit cette fête de l’Ascension, elle nous dit aussi où nous conduira notre route avec lui, le Ressuscité. Célébrons l’Eucharistie, signe de la présence avec nous, sur la route de notre vie quotidienne, de celui qui intercède pour nous auprès du Père.