Homélie "Les larmes de la veuve coulent sur la joue de Dieu" 30e dimanche C 2019

Homélie
2019/11/11
Homélie "Les larmes de la veuve coulent sur la joue de Dieu" 30e dimanche C 2019

30e dimanche C 2019
Les larmes de la veuve coulent sur la joue de Dieu
Homélie
(Sg 35,15b-17.20-22a ; Tm 4,6-8.16-18 ; Lc 18,9-14)

Ben Sira ! C’est dans le livre de cet illustre inconnu, écrit vers l’an 180 avant Jésus-Christ, il y a 2200 ans, qu’on a pris le texte de la première lecture. Il tenait à Jérusalem une école de sagesse, d’où vient qu’on le nomme Ben Sira le Sage. La Palestine était alors sous domination de la Grèce. Le climat social était paisible : le pouvoir en place respectait les coutumes et la religion juives. Mais cela cachait toutefois un danger : la présence de deux cultures si différentes, juive et grecque, risquait, chez bien des juifs, de mettre leur foi en péril. Cela ne ressemble-t-il pas à ce que que nous vivons présentement au Québec et dans tout l’Occident ? Ne vivons-nous pas, nous aussi, dans une ambiance qui peut conduire à une sorte d’indifférentisme religieux ?  

Comme nous le faisons, nous, avec toutes sortes de sessions, de cours, avec la catéchèse des jeunes et des adultes, avec nos célébrations dominicales, Ben Sira, dans son école de sagesse, voulait transmettre la foi juive, la foi en un seul Dieu, avec toute sa richesse : il voyait bien qu’il était important que les croyants affermissent leur foi s’ils voulaient la conserver. Il tenait à dire, tout particulièrement, que la foi juive n’était pas le fruit d’une réflexion abstraite, mais bien plutôt le fruit d’une expérience, d’une riche expérience, personnelle et communautaire, celle d’une Alliance avec Dieu, le peuple juif se considérant comme le peuple de Dieu. C’est à travers les oeuvres de Dieu, en prenant conscience de sa présence dans la vie de son peuple, qu’on a peu à peu découvert son vrai visage. Dieu n’est pas une idée inventée par des hommes, c’est lui qui s’est fait connaître, qui s’est révélé progressivement. Pour se bien faire connaître de toute l’humanité, il nous a été révélé à nous qu’il a envoyé son Fils, venu nous dire que son Père est aussi notre Père.

C’est là le vrai visage de Dieu, un Père de miséricorde et de tendresse, un Père qui aime ses enfants. Dans la première lecture, non sans lien avec le récit de saint Luc, il nous est dit que Dieu ne juge pas selon les apparences. Le prophète Samuel avait dit déjà : Les hommes regardent les apparences, mais Dieu regarde le cœur, Ben Sira redit cela à sa manière : Dieu ne défavorise pas le pauvre, il écoute la prière de l’opprimé. Il ne méprise pas la supplication de l’orphelin, ni la plainte répétée de la veuve. Dieu ne s’arrête pas aux apparences extérieures, il sait voir ce qui est dans le cœur de chacun, de chacune de ses enfants. Dans ce même passage de son livre, si on le lit en entier, Ben Sira emploie une très belle image, pour nous parler de Dieu, disant que les larmes de la veuve coulent sur la joue de Dieu. Une manière extraordinaire de dire la tendresse de Dieu à l’égard de celles, de ceux qui se tournent vers lui particulièrement quand la vie devient plus difficile. Pour que nos larmes coulent sur les joues d’un autre, il faut que cet autre soit particulièrement proche, tout contre nous. Ben Sira voulait faire connaître un Dieu proche, un Dieu aimant.  La première lecture nous a fait entendre cette autre parole qui mérite d’être soulignéeet surtout d’être retenue : Celui dont le service est agréable à Dieu sera bien accueilli, sa supplication parviendra jusqu’au ciel.

Il m’arrive de dire à voix haute cette prière qui accompagne le geste de l’offrande, prière que le prêtre est censé dire à voix basse : Humbles et pauvres, nous te supplions, Seigneur, accueille-nous. Que notre sacrifice trouve grâce devant toi. Des mots qui font écho aux paroles de Ben Sira et qui, juste avant d’entrer dans la prière eucharistique, nous mettent dans l’attitude essentielle de la prière. Humbles et pauvres, des mots qui sont peut-être la clé de la vraie prière, bienheureux ceux et celles qui sont humbles et pauvres de cœur, disait, nous dit Jésus. 

Ce dimanche nous a fait entendre aussi la parabole du pharisien et du publicain ! Jésus nous décrit deux attitudes différentes dans la prière pour nous faire réfléchir sur notre propre attitude, nous faire découvrir l’attitude intérieure qui rend toute prière sincère. Dimanche dernier, saint Luc nous avait donné un enseignement sur la prière. Rappelons-nous la parabole de la pauvre veuve qui avait affaire à un mauvais juge, une parabole que saint Luc présentait par ces mots : Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager. Aujourd’hui, c’est un publicain qui nous est donné en exemple, probablement un homme qui avait de l’argent, comme Matthieu, comme Zachée. Dans ces deux paraboles de la pauvre veuve, du riche publicain, Jésus nous dit que ce qui compte dans la prière, ce sont les dispositions du cœur.

Le publicain dans sa prière n’ose même pas lever les yeux vers le ciel et il se frappe la poitrine; il a ces mots proches de ceux que la liturgie nous fait dire si souvent : Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis. Ce qu’il disait était probablement ce que sa vie était de fait. Être vrai devant Dieu ! Quand le publicain repartit, il était devenu juste. Humble et vrai, le publicain a pu accueillir la grâce de Dieu et la laisser changer son cœur. Le pharisien aussi disait la vérité, faisant remarquer à Dieu qu’il observait très fidèlement la loi de la religion juive. Mais ce qu’il dit n’est pas une vraie prière. Il se contemple lui-même, faisant le compte de ses mérites et constatant que de fait il en a beaucoup. Sans le moindre degré d’humilité, de pauvreté. Même si ce qu’il dit est vrai, il ne prie pas. Et Jésus tient à souligner qu’il n’est pas reparti justifié.

Humbles et pauvres, nous te supplions, Seigneur, que notre sacrifice trouve grâce aujourd’hui devant toi, qu’il nous rende accueillants à ta Parole et la laissions nous transformer, tout au long de cette semaine que nous avons voulu commencer en ta présence et de cette saison d’automne.

Marc Bouchard, ptre