Homélie - "Le Bon Samaritain...Toi aussi fais de même"

Homélie
2019/07/10
Homélie - "Le Bon Samaritain...Toi aussi fais de même"

Le Bon Samaritain… Toi aussi, fais de même. 
15e dimanche C 2019
Homélie
(Deut 30,10-14 ; Col 1,15-20 ; Lc 10,25-37) 

La première lecture nous a fait entendre un passage du Livre du Deutéronome, un livre qui nous ramène à un très lointain passé. Même si ce livre de la Bible est très ancien, ce qui y est écrit peut nous dire quelque chose qui nous concerne. Ce livre est comme le testament spirituel de Moïse, ce grand prophète qui a libéré le Peuple de Dieu de son exil en Égypte. Il a conduit le Peuple élu à travers le désert jusqu’à la Terre promise, une marche longue, difficile, au cours de laquelle, il s’est constamment tenu à l’écoute de Dieu. La Bible nous offre des récits tout pleins de belles images pour nous faire connaître cette expérience spirituelle profonde vécue par Moïse. Il savait entendre Dieu lui parler, tout autant dans le silence de la solitude que dans les événements de sa vie quotidienne et de celle de son peuple. On peut lire dans un autre livre de la Bible, celui de l’Exode, les mots suivants qui sont à retenir : Dieu parlait avec Moïse face à face, comme un homme parle avec un ami.

Cela fait penser au Curé d’Ars, beaucoup plus proche de nous, dont on a souvent entendu parler.  Un jour, un de ses paroissiens lui a demandé ce qu’il pouvait bien faire durant ces nombreuses heures qu’il passait seul l’église. Il a répondu : Je suis avec Dieu, je l’avise et il m’avise. Cela ressemble beaucoup à ce qu’on disait de Moïse et ça nous aide à comprendre ces paroles de la première lecture : Cette Loi que je te prescris aujourd’hui, elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur afin que tu la mettes en pratique. La Loi de Dieu est là au plus profond de nous-mêmes. La conscience, notre conscience personnelle, individuelle, si elle est bien informée, si elle se laisse guider par l’Esprit Saint, peut être un lieu de révélation, un lieu où Dieu vient nous parler, pourvu que nous sachions nous mettre à son écoute. Si par exemple notre conscience n’était pas habitée par un appel de Dieu à venir le rencontrer pour entendre ce qu’il veut nous dire, nous ne serions pas ici ce matin comme chaque dimanche. 

Le Concile, qui a rassemblé à Rome tous les évêques du monde de 1962 à 1965, nous dit ceci : Au fond de sa conscience, la personne humaine découvre la présence d’une loi qu’elle ne s’est pas donnée elle-même, mais à laquelle elle est tenue d’obéir. C’est une loi inscrite par Dieu au coeur de la personne. La conscience est le centre le plus intime et le plus secret de la personne, le sanctuaire où elle est seule avec Dieu et où sa voix se fait entendre. Jean Vanier, qui est mort le 7 mai dernier, raconte dans son dernier livre qu’un prêtre qu’il rencontrait souvent lui avait appris à faire silence et à écouter la petite parole qui lui parlait au plus profond de son coeur. Une conscience bien informée, pour un chrétien, une chrétienne, c’est celle qui se réfère à la Parole de Dieu, tout particulièrement à l’Évangile qui nous fait connaître la personne et le message de Jésus, la Voie, la Vérité, la Vie. Pour nous baptisés, pour nous guider, pour éclairer notre vie, la Parole de Dieu est plus sûre que tous ces sondages qu’on nous présente souvent comme étant la règle à suivre. 

Dans sa parabole du Bon Samaritain, que la liturgie nous fait entendre de nouveau en ce dimanche, Jésus nous rappelle cette Parole de Dieu, déjà là présente dans notre conscience : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. Un docteur de la Loi était venu rencontrer Jésus et, nous dit le récit, c’était pour le mettre à l’épreuve. On se demandait parmi ces gens, qui pourtant prétendaient bien connaître les Écritures, quel ordre de préférence on pouvait établir dans l’amour des autres. La réponse habituelle était de se référer à un ordre de proximité, soit la famille immédiate, la parenté, les voisins, les amis, les Juifs fidèles à la Loi. On discutait toutefois pour savoir où on devait s’arrêter. On comprend alors la question du docteur de la Loi : Qui donc est mon prochain ?

Habilement, comme toujours, Jésus ne donne pas de réponse, mais raconte plutôt une histoire qui va amener le docteur de la Loi à se donner lui-même la réponse. Dans sa parabole, Jésus n’identifie personne, aucun des personnages n’est nommé. Le blessé est un inconnu, les bandits aussi, et les autres sont un prêtre, un lévite et un Samaritain. Ce dernier a toutefois une identité assez claire aux yeux des Juifs : il fait partie de ces croyants qui se sont éloignés de la loi de Moïse et donc qu’on ne devait pas fréquenter, qu’on devait même détester. Cette parabole nous invite à nous poser la bonne question, car elle est tellement d’actualité. Il ne s’agit pas de se demander qui on doit aimer, préférer, et dans quel ordre, et comment se comporter à l’égard de ceux, de celles que la société invite à ignorer ou à rejeter ? Jésus a déjà souvent répondu à cette question, il est même allé jusqu’à dire qu’il fallait aimer aussi ses ennemis.

Jésus parle aujourd’hui à notre cœur, à notre conscience. Il interroge notre capacité de nous libérer de nos préjugés sociaux, racistes, religieux. Il nous questionne aussi sur notre capacité d’abattre les murs, les frontières, de construire des ponts, comme dit souvent le pape François. L’expression Bon Samaritain fait partie de notre langage commun, tout le monde saisit ce que ça veut dire. Jésus nous invite à repartir à la fin de cette Eucharistie avec ces mots dans la mémoire de notre cœur : Va, toi aussi, fais de même ! Fais de toi la bonne Samaritaine, le bon Samaritain de ceux et celles qui ont besoin de ta compassion, de ta miséricorde, de ton accueil, de ton aide, ceux et celles que ta vie quotidienne te fait rencontrer. Va, toi aussi, fais de même !

Marc Bouchard, prêtre