Homélie - Jeudi Saint 2021

Homélie
2021/03/29
Homélie - Jeudi Saint 2021

Célébration du Jeudi Saint B 2021

Le dernier repas de Jésus avec ses amis

Homélie
(Ex 12,1-8.11-14 ; I Cor 11,23-26 ; Jn 13,1-15)

Deux paroles de Jésus dites à ses amis les plus proches, le soir de sa dernière rencontre avec eux. Des paroles importantes car elles expriment des gestes de sa part, qu’ils n’oublieront jamais, qi ne cesseront pas d’être redites. Des paroles qui expliquent particulièrement notre rassemblement de ce soir, en ce Jeudi Saint. Vous ferez cela quand vous voudrez vous souvenir de moi. … Je vous ai lavé les pieds, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns les autres. …  Deux appels que Jésus a fait entendre encore ce soir à ses amis les plus proches, deux appels qu’il nous fait entendre ce soir, à nous ses disciples d’aujourd’hui !

 

Nous sommes entrés dans cette Semaine Sainte en écoutant la lecture du récit de la passion de Jésus. À l’écoute de ce récit, une question vient chaque fois à notre esprit. Pourquoi est-il passé par ce chemin de souffrance et de mort ? Pourquoi a-t-il fallu qu’il connaisse la torture et l’humiliation de la croix ? Une question à laquelle il nous faut donner une réponse ! Elle nous est fournie par les Évangiles, justement en ce qu’ils nous rapportent de ce qui s’est passé à Jérusalem en ces jours de la Pâque de l’an 30. Il tenait à ce que ses disciples qui l’avaient accompagné sur la route de la Palestine et aussi ceux et celles qui viendraient par la suite comprennent bien qu’il entrait dans la passion sans y être contraint, en toute liberté.

 

Pour cela, Jésus annonce, anticipe dans un geste symbolique ce qui va lui arriver. Il en révèle ainsi toute la signification. C’est dans la liberté que Jésus accepte que sa vie se termine ainsi. Il aurait pu éviter, fuir ce qui s’annonçait à lui, ce qu’il était en mesure de prévoir. Les Évangiles nous disent que les Apôtres, qui eux aussi voyaient ce qui s’en venait et en étaient effrayés, ont essayé de l’en détourner. Les Évangiles nous disent aussi que Jésus dans sa prière a demandé à son Père que cette épreuve lui soit épargnée, si cela était possible.

 

Jésus voulait être fidèle à la mission reçue de Dieu, et jusqu’au bout, quoi qu’il puisse lui arriver. Il voulait se faire solidaire des justes, ces hommes, ces femmes qui, dans un monde de l’injustice, rencontrent inévitablement l’opposition et la persécution. L’histoire, tout au long des siècles, nous parle de ces martyrs qui à la suite de Jésus et à son exemple donneront librement leur vie par fidélité, et cela jusqu’à maintenant. À notre époque, encore, des homes, des femmes, des enfants meurent, font don de leur vie à cause de leur foi. Si Jésus voulait être et rester du côté des victimes, il devait accepter ce qui s’annonçait, la condamnation et la mort. Il accomplissait ainsi la volonté de Dieu son Père, il était fidèle à la mission qu’il lui avait confiée.

 

Ce n’est pas que le Père voulait sa mort, il n’est pas possible que Dieu ait voulu, souhaité pour son Fils bien-aimé une telle souffrance, la mort sur la croix. Ce que Dieu voulait, c’est que Jésus soit cet homme capable de persister, de durer dans la justice, dans la charité, dans la solidarité avec les humbles, les pauvres, les victimes d’un monde où règne trop souvent l’injustice. Dieu voulait que Jésus, son Fils bien-aimé, ouvre une route sur laquelle s’engageront tous ceux, toutes celles qui voudront vivre une vie marquée par l’amour, qui voudront contribuer à changer le monde. Jésus a été capable de s’engager en toute liberté sur cette voie de la souffrance parce que son cœur d’homme était habité par un amour sans limite : son amour pour Dieu son Père, son amour de la vérité et de la justice, sans compromis, son amour pour ses frères et ses sœurs, les hommes et les femmes de partout et de toujours, son amour pour nous ici rassemblés ce soir.

 

Pour que ses disciples comprennent bien que c’est librement qu’il donne sa vie, Jésus leur annonce ce qui va lui arriver, anticipe ce qu’il va vivre. Au cours du repas pascal qu’il prenait avec ses amis les plus proches, Jésus fait sur le pain et le vin des gestes qu’il accompagne de paroles. Par ces gestes et ces paroles, il dit que son corps sera rompu et donné au monde, que son sang sera versé et donné pour tous. Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne, écrivait saint Paul aux chrétiens de la ville de Corinthe, ce qui nous est dit à nous ce soir.

 

Ce signe qui annonce sa mort imminente devient sacrement, l’Eucharistie, que ses disciples ne cesseront pas de célébrer pour qu’ils soient eux aussi impliqués dans ce geste du don qu’il a fait de sa vie pour ses frères et ses sœurs. En terminant, Jésus a dit : Vous ferez cela en mémoire de moi ! En reprenant ces gestes et ces paroles, les chrétiens et chrétiennes sauront reconnaître la présence avec eux de leur Maître et Sauveur, redécouvrir sans cesse qu’il compte sur eux pour que sa mission se poursuive aujourd’hui.

 

Dans la liturgie du Jeudi Saint, l’Église rappelle un autre geste de Jésus : celui du lavement des pieds. Pourquoi cette autre action de Jésus, cet autre signe ? On peut se demander pourquoi saint Jean a fait ce choix de raconter, dans son Évangile, le lavement des pieds plutôt que l’institution de l’eucharistie. Sûrement qu’il lui apparaissait important de dire aux chrétiens et chrétiennes de son époque, et de toutes les époques, que la célébration de l’eucharistie ne peut pas être vraie sans lien avec l’amour et le service de son prochain, L’Eucharistie ne rappelle-t-elle pas le don que Jésus a fait de sa vie pour les autres. La nuit où il était livré, le Seigneur prit du pain, le rompit et dit : Ceci est mon corps livré pour vous, … Il fit de même avec la coupe en disant : Ceci est mon sang versé pour vous.

 

La célébration eucharistique et le service concret, quotidien de son frère, de sa sœur sont unis comme deux aspects nécessaires de la participation au mystère pascal du Christ. L’Eucharistie et le lavement des pieds, deux actions différentes, deux réalités sacramentelles qui disent la même réalité : Jésus offre sa vie librement et par amour. Comme pour le geste eucharistique, un commandement fait suite au geste du lavement des pieds : Comme je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns les autres. Si l’Église veut être l’Église du Seigneur, c’est ainsi qu’elle doit faire : partager le pain eucharistique, être au service du monde. Si notre communauté veut être une vraie communauté chrétienne, si nous voulons être des hommes et des femmes d’Évangile, nous devons célébrer et servir, c’est l’essentiel de ce que le Seigneur attend de ses disciples.

 

Marc Bouchard, prêtre

Mbouchard751@gmail.com