Homélie du 22e dimanche C 2019 : "L’Eucharistie, un repas, un appel à la mission"

Homélie
2019/08/28
Homélie du 22e dimanche C 2019 : "L’Eucharistie, un repas, un appel à la mission"

22e dimanche C 2019
L’Eucharistie, un repas, un appel à la mission.
Homélie
(Sir 3,17-18.20.28-29 ; He 12,18-19.22-24 : Lc 14,1.7-14)

Jésus était entré chez un chef des pharisiens pour y prendre son repas. Dans les évangiles, il est souvent parlé des repas de Jésus. Cela doit sûrement signifier que pour les apôtres et les disciples, qui ont connu Jésus, de même que pour les fidèles des premières communautés chrétiennes, ses repas faisaient souvent partie de son message et donc indiquait une habitude importante à conserver. Sans cela d’ailleurs nous ne serions pas ici, rassemblés avec lui le Ressuscité pour un repas, le repas eucharistique, que nous célébrons chaque dimanche, faisant ainsi mémoire de lui comme il l’a recommandé à ses disciples d’hier, d’aujourd’hui, de demain.

Il est intéressant de remarquer que Jésus a débuté sa vie publique par un repas, à Cana, et qu’il a voulu la terminer par un autre repas, à Jérusalem. Dans les deux cas, ses amis les plus proches étaient présents avec lui. Les évangiles nous rapportent de nombreux repas qu’il a pris, entre autres, chez Zachée, Matthieu, Simon le pharisien, la belle-mère de Pierre, ses amis Marthe, Marie et Lazare. Il y a eu, et il faut le souligner, ce repas où il lui a fallu multiplier les pains et les poissons pour pouvoir nourrir la foule rassemblée pour l’écouter. On ne peut oublier ce repas du soir de Pâques, après la résurrection, par lequel s’est terminée sa rencontre avec les deux disciples d’Emmaüs, qui l’ont reconnu en se mettant à table avec lui et en partageant le pain.

Jésus a vécu la même vie que nous et pour lui aussi ce qui était agréable dans un repas, ce n’était pas le seul fait de manger, c’était surtout le fait d’être ensemble, avec des gens qu’il aimait, avec lesquels il lui plaisait de s’entretenir. Partager un repas, c’était partager avec eux son amitié, sa vie, ses projets, ses joies, ses tristesses, les rendre responsables avec lui de sa mission. C’est bien ce que les évangiles nous disent au sujet des repas de Jésus, certains joyeux, d’autres sérieux, mais toujours une occasion d’échanges. Il nous est accordé cette grâce de revivre ces échanges aujourd’hui, vingt siècles plus tard.

Pour que ses disciples se souviennent et parlent ensemble de lui, pour leur rappeler qu’il tient sa promesse d’être présent avec eux, de les accompagner sur la route de la vie, Jésus a choisi un repas. Les apôtres, les disciples, les premiers chrétiens ont bien compris cela, eux qui ont rapidement pris l’habitude de se réunir chaque dimanche pour prendre un repas ensemble, au cours duquel ils faisaient mémoire de lui, dans le partage de la Parole et du Pain. L’Eucharistie dominicale, ce repas qui a sans cesse été revécu, jusqu’à maintenant, où le Ressuscité nous dit et redit son amour, là où il resserre ses liens avec nous, où il nourrit et fait grandir entre nous la fraternité, l’amitié qui nous garde proches les uns des autres, qui construit son Église. Un repas de fête, un repas rituel où, autant que possible, on fait place à la musique et au chant, et même aux acclamations et à la danse dans beaucoup de pays.

Ces paroles que Jésus a adressées au chef des pharisiens qui l’accueillait chez lui un jour de sabbat, saint Luc les rapporte sûrement en pensant à ce qui se passait dans les communautés chrétiennes qu’il fréquentait. Il voyait bien que ce n’était pas toujours agréable et que se développaient des intrigues, que des gens ambitieux, profiteurs se manifestaient, qu’on tenait compte des catégories sociales, que certains étaient oubliés sinon rejetés. Cela explique que l’évangéliste a tenu à rapporter cette parabole de Jésus sur le désir d’occuper les premières places et l’observation qui suit sur le choix des invités. Saint Paul fait de semblables remarques dans le chapitre onze de sa première lettre aux Corinthiens. Il faut bien constater que la vie en communauté de disciples, la vie en Église n’a jamais été sans problèmes et même dans ses débuts. Les disciples ont toujours eu besoin de se faire inviter à la conversion et il faut bien constater qu’il en est ainsi encore aujourd’hui. 

Ce que Jésus recommande à ses invités, c’est de changer leur façon de se situer dans la société, de vivre différemment leurs relations avec les autres. Les relations humaines ne doivent pas avoir comme motivation de toujours chercher à occuper une place importante, à se situer au-dessus des autres dans des rôles d’autorité, de pouvoir. Il faut nécessairement que les relations avec les autres, quels qu’ils soient, fassent place à la fraternité, au service, à la charité sous toutes ses formes. Jésus va jusqu’à dire : Tu seras heureux quand tu donneras à ceux et celles qui n’ont rien à te rendre. On retrouve là le message présent dans tout l’Évangile, ce sur quoi Jésus n’a pas cessé, ne cesse pas d’interpeller ses disciples. Il s’attend à ce que leurs relations entre eux et avec les autres, leurs préoccupations, leurs engagements ne les enferment pas dans des cercles clos, que leur vie soit caractérisée par la capacité d’accueillir les autres et peut-être surtout ceux et celles qui ont besoin de rencontrer quelqu’un qui leur accorde de la considération. 

Les apôtres et les disciples qui ont vécu avec Jésus ont aussi mis du temps à comprendre son enseignement. Au cours de leur dernier repas avec Jésus, le soir du Jeudi Saint, saint Luc nous dit qu’ils en arrivèrent à se quereller pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand dans le Royaume. Jésus les avait alors repris en leur disant : Que le plus grand d’entre vous devienne comme le plus jeune, et le chef, comme celui qui sert. Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. Nous ne pouvons pas, nous ne devons oublier que Jésus, au cours de ce dernier repas avec ses disciples, a choisi de se mettre à la dernière place. Le geste du lavement des pieds nous le montre à genoux, avec son tablier, lavant les pieds de ses disciples. Il tient vraiment à ce que ses disciples comprennent le sens du geste qu’il vient de faire, il le leur dit très clairement. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. 

Le service, fait avec empressement, générosité, amabilité, cela a été au cœur de la vie et du message de Jésus, cela doit être aussi une caractéristique de la personne et de la vie de tout disciple de Jésus. Le repas en famille, en groupe, en communauté, le repas eucharistique tout particulièrement ne sont-ils pas le lieu qui favorise une telle attitude proprement évangélique et chrétienne. Notre Église, qui se définit comme étant essentiellement la communauté des disciples de Jésus, doit se souvenir du sens premier du repas eucharistique, un appel à la fraternité et au service, ce dont ses membres doivent témoigner dans le monde actuel. Annoncer et faire venir le Royaume de Dieu, un Royaume de charité, de justice, de paix, telle était la mission de Jésus, telle est la mission qu’il a confiée à ses disciples, ce que doit nous rappeler chaque Repas eucharistique célébré le Jour du Seigneur.

Marc Bouchard, prêtre