Homélie - "Bienheureux êtes-vous...!" (Sg 9, 13-18 ; Phm 9b-10.12-17 ; Lc 14,25-33)

Homélie
2019/09/03
Homélie - "Bienheureux êtes-vous...!" (Sg 9, 13-18 ; Phm 9b-10.12-17 ; Lc 14,25-33)

23e  Dimanche C 2019 
Bienheureux êtes-vous…!
Homélie
(Sg 9,13-18 ; Phm 9b-10.12-17 ; Lc 14,25-33)

Qui peut découvrir les intentions de Dieu ?Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? … Les premiers mots de la Parole de Dieu de ce dimanche ! Ne nous arrive-t-il pas de nous poser ces mêmes questions devant ce qui se passe dans notre vie, dans la vie présente de notre monde, et peut-être plus particulièrement dans la vie de notre Église ? L’auteur du livre de la Sagesse répondait en disant que nous ne pourrions pas connaître les desseins de Dieu, s’il ne nous avait pas donné son Fils, la Sagesse éternelle, s’il ne nous avait pas envoyé son Esprit Saint. C'est ainsi que nous apprenons ce qui plaît au Seigneur, et que par la Sagesse nous sommes sauvés. Des paroles qui appellent à la sérénité, à la confiance, quoi qu’il arrive !

Dans notre vie de baptisés, tout est grâce, tout est don, tout nous vient de Dieu. N’arrive-t-il pas souvent que les dons de Dieu nous sont révélés par des personnes qui nous accompagnent sur notre route, sur la route de la foi, sur la route de l'Église. Nous ne serions pas ici, rassemblés pour célébrer l’Eucharistie, rencontrer le Ressuscité, si nos parents, nos proches, nos éducatrices et éducateurs, les prêtres de nos paroisses et tellement d'autres personnes ne nous avaient pas fait découvrir les intentions de Dieu, ne nous avaient pas aidés à comprendre les volontés du Seigneur.

Nous savons bien aussi que nous continuons d'avoir besoin d'être accompagnés, d'être guidés pour que cette découverte des intentions de Dieu, cette compréhension des volontés du Seigneur se poursuivent et éclairent l'aujourd'hui, le quotidien de notre vie, même si nous avançons en âge. Pensons à nos communautés chrétiennes qui sont, malgré leurs limites, des lieux de partage et de solidarité, des lieux qui contribuent à nourrir notre foi et à nous rendre capables de la défendre. Nous savons bien que la vie chrétienne ne peut pas se vivre dans l’isolement, ce que Jésus a prévu en nous invitant à nous retrouver en communauté avec lui chaque dimanche.

Plus que jamais, soucieux de bien enraciner leur foi dans leur vie, désireux aussi de mieux répondre à leur vocation de baptisés, les chrétiens, les chrétiennes ont besoin de se retrouver dans des communautés, des groupes, des mouvements pour vivre l'Évangile avec plus de fidélité, pour avoir le courage et l'audace de l'annoncer autour d'eux. L’avenir de notre Église du Québec ne serait-il pas dans nos communautés chrétiennes, beaucoup moins nombreuses qu’il n’y a pas si longtemps, mais résolument fidèles à croire en Jésus le Ressuscité et à vivre selon son Évangile ? Alors que ne s’était pas encore constituée une organisation hiérarchique et que les communautés chrétiennes étaient dispersées, saint Paul considérait qu’elles étaient toutes ensemble l’unique Église, corps du Christ. Il n’hésitait pas à affirmer que cette unique Église était présente dans chaque communauté si ses membres étaient unis entre eux par le lien de l’Esprit qui se manifeste dans le partage de la même foi au Christ, de la même fidélité à l’Évangile, du même amour fraternel.

Il est nécessaire de nous encourager, de nous aider dans notre vie chrétienne parce qu’être disciples du Christ n'est pas sans comporter des exigences, que nous rappelle le récit évangélique de ce dimanche. De grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit... Écoutons de nouveau ce que Jésus dit à ceux et celles qui répondent à son appel et acceptent de le suivre : Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et soeurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. … Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple. Des paroles dérangeantes dites par Jésus, cet homme qui a tellement dérangé les gens de son temps et qui a voulu que ses disciples soient eux aussi dérangeants !

Quand il a mis ces paroles par écrit, saint Luc s’adressait à des chrétiennes, à des chrétiens qui vivaient la persécution, et même souvent de la part de leurs proches. Nous savons qu’à cette époque ils ont été nombreux ceux et celles qui sont allés jusqu’à donner leur vie par fidélité au Christ Jésus et à son Église. Nous savons aussi, le pape François nous le rappelle souvent, qu’ils sont peut-être encore plus nombreux, aujourd’hui, ceux et celles qui doivent quitter leur milieu, leur pays, même donner leur vie à cause de leur foi. Même ici dans nos milieux, qui parmi nous ne se sent pas dérangé dans sa foi, et même par des gens de son entourage ? Qui parmi nous ne vit pas difficilement et avec tristesse des mésententes avec des proches justement à cause de divergences au plan de la foi, de la vie chrétienne et de ses exigences, de l’attachement à son Église, et cela malgré ce qui s’y passe et qui nous attriste et nous choque profondément ?

Le disciple doit aussi porter sa croix chaque jour. Cela ne veut surtout pas dire qu'il faut se résigner devant les malheurs qui arrivent, encore moins rechercher les épreuves, la souffrance. Ce que Jésus demande à ses disciples, c'est de vivre un amour vrai, généreux, en acceptant tout ce qu'il exige. Jésus n'aimait pas la souffrance, il a lutté contre elle : c’est le sens de beaucoup de ses miracles, sinon de la plupart. Il n'a pas recherché la croix, comme il est écrit dans ce même évangile de saint Luc : Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe; cependant que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. Il n’a pas été surpris quand la croix s’est présentée à lui, sachant bien que le combat qu'il menait pour la cause du Royaume de Dieu le ferait se heurter à de l’opposition. Il a voulu rester fidèle à la volonté du Père quoi qu'il puisse lui arriver, quoi qu'il puisse lui en coûter. Le disciple du Seigneur doit être capable lui aussi de renoncer même à des choses, des situations auxquelles il tient beaucoup. Suivre Jésus sur son chemin demande qu'on fasse des choix parfois exigeants, qu'on prenne des décisions parfois difficiles.

Les deux petites paraboles de la construction de la tour et du roi qui veut entrer en guerre sont là, à la suite du rappel de ces exigences, pour nous redire que c'est sérieux de se mettre à la suite du Christ. Il vaut la peine de se demander si on aura la force et le courage d'aller jusqu'au bout et pour cela on a besoin d'être intégrés à des communautés de disciples, là où nous sont révélés les projets de Dieu, là où nous trouvons la force de les réaliser. S’il nous est rappelé que nous avons besoin des autres pour entendre l'Évangile et pour le vivre en vérité, il nous est dit aussi que d'autres ont besoin de nous pour que leur soit dite la Bonne Nouvelle, pour qu’ils découvrent la valeur de ce qu’ils vivent, pour qu'ils aient le courage eux aussi de vivre l’Évangile.

Prions ensemble pour que nous soit donnée cette grâce de toujours nous laisser évangéliser pour pouvoir être à notre tour des évangélisateurs, heureux de transmettre ce que nous avons reçu et que la grâce de Dieu continue à nous donner en abondance. Bienheureux êtes-vous, ose dire Jésus à ses disciples !

Marc Bouchard, prêtre