Homélie "Baptisés, donc disciples-missionnaires !", Cathédrale Notre-Dame de Québec, 23e Dimanche, année B, 2018

Homélie
2019/01/04
Homélie "Baptisés, donc disciples-missionnaires !", Cathédrale Notre-Dame de Québec, 23e Dimanche, année B, 2018

23e dimanche, année B, 2018

Cathédrale Notre-Dame de Québec

Homélie

(Is 35,4-7a ; Jc 2,1-5 ; Mc 7,31-37)

Pour commencer cette réflexion, peut-être est-il bon de se rappeler que saint Marc, dont nous lisons l’Évangile au cours de cette année, n’était pas du groupe des apôtres et des disciples qui ont connu Jésus et l’ont suivi, qui ont entendu ce qu’il disait, vu ce qu’il faisait. Pour rédiger son Évangile, vers l’an 70, il lui a fallu nécessairement se référer à la catéchèse de son époque, à ce qu’on disait de Jésus dans les communautés chrétiennes. Il semble bien qu’il se soit référé tout particulièrement à la prédication de saint Pierre et à l’enseignement de saint Paul.

Il a écrit son Évangile, alors qu’il vivait à Rome, en pensant à ceux et celles qui seraient ses premiers lecteurs, les chrétiens de cette ville qui connaissaient alors la persécution et voyaient un bon nombre d’entre eux s’éloigner leur communauté et même renier leur foi. L’Évangéliste n’était pas aussi sans penser aux romains non-chrétiens qui pourraient lire son Évangile.

À cette communauté chrétienne de Rome, il voulait apporter encouragement, courage, audace, en comparant leur situation à celle des tout premiers disciples, dont la marche à la suite de Jésus avait été marquée par beaucoup de difficultés et s’était même terminée par une grande déception, voir leur Maître et Seigneur mourir sur une croix. Il rappelle cela en écrivant, juste avant son récit de la passion, que les disciples abandonnèrent Jésus et s’enfuirent tous (14,50).

Cela ne l’empêche pas toutefois d’avoir des paroles pleines d’espérance tout au long de son Évangile qu’il termine en écrivant : Aux femmes qui viennent au tombeau pour embaumer le corps de Jésus, un jeune homme vient dire : Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié, il est ressuscité. Maintenant allez dire à ses disciples et à Pierre qu’il les attend en Galilée. Pour saint Marc, ces quelques femmes contribueront ainsi à la mise en route de l’évangélisation du monde.

Les disciples en se retrouvant ensemble se souviendront que Jésus leur avait dit et ce sont les mots que rapporte l’évangéliste : Il faut que l’Évangile soit proclamé à toutes les nations (13,10). Éclairés l’Esprit de la Pentecôte, ils vont prendre conscience qu’ils sont ceux et celles sur qui le Ressuscité  compte pour que cela se réalise, malgré leurs limites, leurs faiblesses. Seule leur foi dans le Christ mort et ressuscité fera d’eux des missionnaires de l’Évangile quelles que soient les tempêtes qu’ils auront à affronter.

Lorsque saint Marc écrit ce récit lu aujourd’hui, la Bonne Nouvelle du Christ Sauveur s’était déjà répandue chez les païens, et même jusqu’à Rome et de là il faut  qu’elle soit proclamée partout, qu’elle parvienne jusqu’à nous et que son annonce se continue.

Remarquons justement que saint Marc commence son récit en prenant la peine de bien indiquer le contexte géographique dans lequel Jésus poursuit sa mission. Il quitte la région de Tyr, passe par Sidon, soit le Liban actuel, et s’en va dans la Décapole, en Jordanie d’aujourd’hui. Il passe donc du monde juif, son monde à lui, qui ne l’a pas toujours bien accueilli, pour se retrouver en plein monde païen. Il s’en va en périphérie dirait le pape François.

La première rencontre que Jésus fait dans cette région païenne, celle d’un homme sourd et muet que des gens lui amènent pour qu’il le guérisse, sa réputation était parvenue jusque-là. Le récit de cette guérison peut être lu comme étant une interpellation faite aux baptisés, d’alors et d‘aujourd’hui.

Vous avez sûrement remarqué que Jésus ne répond pas à ce qu’on lui demande, poser la main sur le sourd-muet, comme il faisait souvent. Il l’emmène à l’écart, lui met les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui touche la langue. Puis, les yeux levés au ciel, il soupire et lui dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! ».

Au temps de saint Marc, pour célébrer le Baptême, à Rome, on reprenait ces mêmes gestes et c’est ce qu’on a fait au cours des siècles jusqu’après le Concile, quand on s’est engagé dans le renouveau de la liturgie. Le prêtre célébrant touchait de sa main les oreilles du catéchumène et déposait de sa salive sur ses lèvres. J’ai fait cela quand j’ai célébré des baptêmes dans mes premières années de sacerdoce.

Le Rituel nous dit qu’on pourrait encore faire ce geste, en disant cette prière : Le Seigneur Jésus a fait entendre les sourds et parler les muets : qu’il te donne d’écouter sa parole et de proclamer la foi, pour la louange et la gloire de Dieu le Père. Un geste, une parole qui font un lien entre le sacrement de baptême et ce miracle de Jésus guérissant un sourd-muet, ce que saint Marc semble vouloir nous le dire.

Ce que Jésus a fait ce jour-là ce fut de rendre cet homme capable d’écouter et de parler, capable d’entendre et d’accueillir la Parole, puis capable de la proclamer pour la louange et la gloire de Dieu. Jésus lui demande, à lui et aux gens qui étaient là, de ne pas parler de ce qui venait de se passer. Mais plus il le leur défendait, plus ils le proclamaient. Ils n’étaient plus capables de se taire à propos de Jésus.

On peut penser que saint Marc voulait faire voir à ses lecteurs ce lien entre le miracle de Jésus et la célébration du baptême dans les communautés de Rome. Et aussi le lien entre leur baptême et la mission qui leur était confiée, parce que disciples de Jésus et donc missionnaires, comme nous le dit si souvent le pape François, comme, m’a-t-on dit notre évêque Gérald l’a dit centaines de diocésaines et diocésains rassemblés avec lui hier soir au Centre de foire de Québec.

Si c’était pour les chrétiens de Rome que saint Marc a écrit ce récit, qu’il est le seul des évangélistes à rapporter, c’est pour nous, baptisés de maintenant et d’ici, que ce récit de saint Marc a été conservé par l’Église, et lu et relu depuis des siècles. Lorsque l’Évangéliste rédige ce récit, la Bonne Nouvelle du Christ Sauveur est déjà répandue chez les païens et jusqu'à Rome.

Par ce miracle, en disant : Ouvre-toi, à ce sourd-muet, Jésus invite ses compagnons qui sont là avec lui, et aussi tous les lecteurs de ce récit de saint Marc, à ouvrir leur cœur et leur vie à la Parole et à l’Action du Sauveur, et à ne pas craindre de le faire connaître dans le monde et de faire entendre sa Bonne Nouvelle.

Marc Bouchard, ptre