Homélie à l'occasion de l'Épiphanie par M. l'abbé Marc Bouchard

Homélie
2016/01/08
Homélie à l'occasion de l'Épiphanie par M. l'abbé Marc Bouchard

Épiphanie 2016

Homélie

(Is 60, 1-6 ; Ép 3, 2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12)

Ce récit biblique de la visite des mages à Bethléem est peut-être celui qui a suscité le plus de fantaisie à propos des personnages qu’il évoque, de l’étoile qui les a guidés, et de ce qui a suivi, la mort d’enfants et la fuite en Égypte. L’Église a voulu au IVe siècle faire de ce récit une fête liturgique, sûrement parce qu’elle y a vu un message important, celui de l’universalité de la foi, de la catholicité de notre foi. Le mot catholique, qu’on emploie à propos de la foi qui est la nôtre, et aussi pour parler de notre Église, veut dire une foi, une Église accueillantes, ouvertes, accessibles à toute personne, à toute communauté humaine, quelle que soit sa nationalité, sa langue, sa culture.  

Ce récit de la venue des mages à Bethléem veut nous faire savoir que la naissance de Jésus est un événement qui concerne les hommes et les femmes de partout et de toutes les époques, ce que personnifient ces mages, des inconnus venus de loin. Dans une homélie pour la fête de l’Épiphanie, le pape Benoït XVI a dit ceci.

Le voyage des Mages d'Orient est le début d'une grande procession qui a continué tout au long de l'histoire. Avec eux, commence le pèlerinage de l'humanité vers Jésus le Christ, vers ce Dieu qui est né dans une étable, qui est mort sur la croix et qui depuis sa résurrection demeure avec nous tous les jours jusqu'à la fin du monde.

Le voyage de ces hommes est seulement un commencement. D'abord étaient venus les bergers, des âmes simples qui demeuraient tout près du Dieu fait petit enfant et qui pouvaient aller vers Lui plus facilement et Le reconnaître comme Seigneur. Mais viennent aussi les sages de ce monde : les grands et les petits, les rois et les serviteurs, les hommes et les femmes de toutes les cultures et de tous les peuples. Ces hommes d'Orient sont les premiers, suivis par tant d'autres, tout au long des siècles. Les mages d’Orient inaugurent la marche des peuples vers le Christ.

Homme d’une époque, d’un milieu, d’une culture, Jésus n’en est pas moins le Seigneur, le Sauveur dont la venue a marqué l’histoire et changé le destin de toute l’humanité. L’Épiphanie, tout comme la Transfiguration, manifeste ce que sera Jésus à partir du matin de Pâques. le Ressuscité, devenu le Christ : il peut se rendre présent partout, il devient accessible à tous.

La première lecture disait : Debout, Jérusalem ! Resplendis : elle est venue ta lumière et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. … Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois vers la clarté de ton aurore. Isaïe pensait certainement à son peuple, le peuple juif. Pour la tradition juive, il fallait se faire juif pour avoir accès au salut et donc se soumettre à la Loi de Moïse. Les premiers chrétiens ont dû se libérer de ces contraintes.

Avec Jésus, toute l’humanité est entrée dans le temps de la grâce et de la foi. C’est ce que saint Paul appelle le mystère du Christ quand il écrit aux Éphésiens : Ce mystère, c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile. Saint Paul ne connaissait sûrement pas ce récit de la visite des mages; il est mort avant que ne soit rédigé l’évangile de Matthieu. Mais il en connaissait bien le message, lui qui a voulu être l’apôtre des païens et qui a toujours fait l’effort d’annoncer l’Évangile de façon à être compris des gens auxquels il s’adressait et il a fondé de nombreuses communautés bien intégrées à leur milieu. 

Cette fête de l’Épiphanie nous met devant le défi de l’inculturation, le grand défi que notre Église doit relever actuellement ! Tout comme Jésus a annoncé la Bonne Nouvelle à partir du mode de vie et du langage et de la culture des gens de son époque et de son pays, de même les chrétiens doivent annoncer son message, aux gens d’ici, de chez nous en tenant compte  de leur culture, de leur culture actuelle. 

Au sujet de l’évangélisation et de la culture, le pape François a des paroles étonnantes et éclairantes dans son exhortation apostolique La joie de l’Évangile : Le peuple de Dieu s’incarne dans les peuples de la terre, chacun de ses membres a sa propre culture. … L’être humain est toujours culturellement situé. … La grâce suppose la culture, et le don de Dieu s’incarne dans la culture de la personne qui la reçoit. … Le christianisme n’a pas un modèle culturel unique à proposer, mais tout en restant pleinement lui-même, dans l’absolue fidélité à l’annonce évangélique et à la tradition ecclésiale, il revêtira aussi le visage des innombrables cultures et des innombrables peuples où il est accueilli et enraciné. … Dans les expressions chrétiennes d’un peuple évangélisé, l’Esprit Saint embellit l’Église, en lui indiquant de nouveaux aspects de la Révélation et en lui donnant un nouveau visage. … Toute culture offre des valeurs et des modèles positifs qui peuvent enrichir la manière dont l’Évangile est annoncé, compris et vécu. (Nos 115, 116) 

Une nouvelle culture est apparue, qui nous inquiète parfois, une nouvelle culture née particulièrement de ces moyens de communication que sont le cinéma, la télévision, l’internet, etc. Un nouveau paganisme est apparu comportant toutes sortes de croyances et d’expériences, et avec d’autres règles morales que celles qui ont guidé, qui guident notre vie. Ce monde-là ne comprend plus notre langage chrétien. Nous nous retrouvons dans un univers culturel où nous ne nous sentons pas toujours confortables comme chrétiens, et où l’Église aussi se sent inconfortable. Cela a paru dans les discussions des deux derniers synodes et cela continue dans ces discussions qui se poursuivent à tous les niveaux de l’Église.

Il revient aux chrétiens, il nous revient de rendre le Christ et son message accessibles aux gens d’aujourd’hui; l’histoire nous dit que l’Évangile s’adresse à toutes les cultures. Il est certain que le Pape dans sa prochaine exhortation apostolique, qu’il rendra publique au cours de cette année, va  inviter le peuple catholique à  s’ouvrir à la culture, aux diverses cultures du monde d’aujourd’hui.

Laissons-nous interpeller par cette fête de l’Épiphanie qui nous dit que nous devons devenir, comme individus et comme Église, l’étoile capable de guider les mages de notre monde, les chercheurs de Dieu de nos milieux. Pour cela, il nous faut devenir des disciples du Christ, libres et audacieux, capables d’accepter du neuf, pour que nous entrions avec toute l’Église dans la nouvelle évangélisation dont Jean-Paul II a dit qu’elle consiste en une nouvelle ferveur, de nouveaux moyens, un nouveau langage. 

Que nous soit donnée cette grâce propre à cette fête de l’Épiphanie de devenir des baptisés, des communautés encore plus des catholiques, dans le vrai sens de ce mot.