7e dimanche C
24 février 2019
Homélie
(1 Sam 26,2.7-9.12-13.22.23 ; 1 Cor 15,45-49 ; Lc 6,27-38)
La mesure dont vous vous servirez servira aussi pour vous.
La première lecture nous racontait comment les mœurs étaient rudes à l’époque où on a rédigé ce texte du premier livre de Samuel. On a presqu’envie de penser que c’est encore comme ça aujourd’hui, trois millénaires plus tard. Le roi Saül avait essayé à plusieurs reprises de tuer le jeune David qui sera son successeur. Voilà qu’une occasion se présente qui fait que David pourrait laisser ses soldats tuer le roi Saül, mais il refuse, n’acceptant pas qu’ils se laissent prendre par des sentiments de vengeance. En ce temps-là comme maintenant, le pardon, la miséricorde, l’amour habitaient le cœur de beaucoup de gens.
Ce récit de l’Ancienne Alliance est lu en ce dimanche pour nous préparer à entendre les paroles de Jésus dans l’Évangile, des paroles que nous connaissons fort bien, pour les avoir souvent lues et entendues. Il est bon de les entendre une fois de plus. Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent... À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue... À qui prend ton bien, ne le réclame pas… Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux.
C’est beaucoup nous demander ! Sûrement que les disciples qui entendaient cela ont dû penser et même se dire, tout comme nous, que Jésus exagérait. Ce qui lui arrivait souvent, en particulier dans ses paraboles. C’était, pour lui, donner plus de force à sa parole, faire que ceux et celles qui l’entendaient soient dérangés par ce qu’il leur disait. Ce que l’Évangile de ce dimanche nous rapporte n’est rien d’autre que son commandement, Aimez-vous les uns les autres, mais exprimé avec plus de force.
La liturgie de l’Église nous fait lire ce passage de l’Évangile de saint Luc peu de temps après que les médias nous aient fait connaître les réactions de gens d’ici à la suite de la peine imposée à ce jeune homme qui a commis l’horrible crime de la mosquée de Québec, il y a deux ans. Quarante années de prison avec au bout la possibilité d’une libération conditionnelle, ce n’est quand même pas une peine légère. La justice de notre pays demande de tenir compte de l’état de santé du condamné et d’éviter les châtiments cruels et inusités. Certaines réactions nous font voir qu’il n’est pas facile pour beaucoup de gens d’établir la distinction entre la justice et la vengeance et de ne pas oublier aussi que notre langage doit être capable de miséricorde et de pardon.
Il n’y a pas si longtemps, aux États-Unis, où il y a beaucoup de meurtres et de graves attentats, on parlait de rétablir la peine de mort. Une association des familles de victimes d’assassinat s’est formée, regroupant plus de 4000 membres pour dire : Ne vous servez pas de ce que nous avons vécu, pour réclamer la peine de mort pour les meurtriers... Cela ne peut en rien soulager notre peine... La violence ne peut pas faire diminuer la violence.
Jésus a donné l’exemple d’une pleine fidélité à sa propre parole qui reflétait celle de Dieu son Père. Il refusera qu’on se serve des armes pour le sauver de ses ennemis, il acceptera, pendant sa passion, qu’on le gifle, qu’on se moque de lui, il pardonnera à ceux qui l’ont mis en croix. Ce fut sa dernière prière : Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.
C’est là la nouveauté apportée par l’Évangile. Jésus nous révèle le vrai visage de Dieu. Pas un Dieu du droit, de la loi, des vengeances, mais un Dieu qui est bon aussi pour les ingrats et les méchants. Dieu est père, il est comme de bons parents qui ne peuvent pas renier leur enfant, peu importe ce qu’il a pu faire. Dieu est Père, et un Père bon, miséricordieux, dont le cœur est plein de tendresse pour tous. Ce mot revient souvent dans les Écritures pour parler de Dieu et Jésus a si souvent agit avec tendresse, même à l’égard des pécheurs, et il a invité ses disciples à faire de même.
Un Dieu miséricordieux, un Père dont le coeur est plein de miséricorde ! Pour comprendre ce que cela veut dire, il faut aller relire, dans l’Évangile de saint Luc la parabole dite de l’enfant prodigue, et surtout y contempler le visage du père et son attitude à l’égard de ses deux fils. Aller lire aussi, dans l’Évangile de saint Jean, le récit de la rencontre de Jésus avec la femme adultère. Et bien d’autres passages des Évangiles.
Il faut réentendre les paroles de Jésus dans l’Évangile d’aujourd’hui : Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Cette page d’Évangile se termine même par une promesse de récompense. Donnez, et l’on vous donnera. Comme à l’ouvrier qui tendait son tablier, on vous donnera une mesure bien pleine, tassée, débordante. La générosité de Dieu, un Père prêt à tout pour ses enfants, ce Dieu que Jésus, l’homme de Galilée, a révélé au monde par ses paroles et encore plus par sa vie.
Telle est la mission qu’il a confiée à ses disciples, faire connaître la générosité de Dieu. Dans un monde où la générosité nous semble souvent si absente, la vocation de toute chrétienne, de tout chrétien n’exige-t-elle pas de faire savoir que le Dieu auquel nous croyons, qui s’est révélé à notre monde en son Fils Jésus, qui veut se faire connaître tout particulièrement par ceux et celles dont le baptême a fait ses enfants, est celui dont nous osons dire si souvent qu’il est Notre Père.
Nous voulons nous comporter, en vérité, comme étant ses enfants, c’est le désir qui habite notre cœur de baptisés. Que cette Eucharistie nous obtienne la grâce de nous distinguer par notre générosité, dans tous les sens de ce mot, et tout particulièrement dans notre jugement et notre comportement à l’égard des autres, en nous montrant capables de réconciliation et de pardon. La mesure dont vous vous servez pour les autres, nous dit Jésus, servira de mesure aussi pour vous.
Marc Bouchard, prêtre
mbouchard751@gmail.com