Homélie "5e dimanche du Carême C" 7 avril 2019

Homélie
2019/04/08
Homélie "5e dimanche du Carême C" 7 avril 2019

5e dimanche du Carême de l’année C 2019

Homélie


(Is 43,16-21 ; Ph 3,8-14 ; Jn 8,1-11)

« Laissons Jésus nous regarder ! »

La rencontre de Jésus avec la femme adultère ! Ce texte n’est pas une parabole, mais bien le récit d’un événement que Jésus a vécu. La liturgie semble nous inviter à établir un lien entre ce récit et celui de dimanche dernier, la parabole de l’enfant prodigue à laquelle on peut donner le titre de parabole du Père prodigue. Deux évangiles qui s’ajustent bien l’un à l’autre pour nous guider dans notre démarche du Carême. Une parabole imaginée par Jésus, un événement qu’il a vécu, deux bonnes nouvelles qui nous font entendre le même message, la miséricorde de Dieu, toujours empressé à pardonner. N’est-ce pas ce que Jésus a voulu nous faire connaître, avec tellement d’insistance, dans tout ce qu’il a fait, tout ce qu’il a dit, jusqu’au moment où il mourait sur la croix : Père, pardonne-leur. Ils ne savent pas ce qu’ils font !

Jésus sauve de la lapidation une femme qui vient de commettre un adultère, ce que la loi juive de l’époque considérait comme un crime méritant la mort. Des scribes et des pharisiens amènent cette femme à Jésus, voulant savoir comment il va se comporter devant cette exigence bien claire de la loi de Moïse. Selon eux, il n’a pas le choix, il doit respecter la loi et condamner cette femme. Et s’il la condamne, il se comporte alors autrement que d’habitude, lui qui fraye avec les pécheurs et se fait même leur ami.

Il faut prêter attention à la façon dont Jésus réagit, à ce qu’il va faire, à ce qu’il va dire. Le texte précise qu’il est sur l’esplanade du Temple et que des gens nombreux se sont rassemblés autour de lui. Remarquons ces mots du récit : Jésus se mit à enseigner. Un enseignement en gestes et en paroles qui s’adresse sûrement au groupe de scribes et de pharisiens, mais aussi à toutes ces personnes qui sont là avec lui. Il faut cependant élargir son auditoire : si l’Église nous fait lire ce récit en ce cinquième dimanche du Carême, c’est pour que cet enseignement de Jésus nous rejoigne nous aussi, qui entendons ce récit aujourd’hui.

Remarquons que Jésus répond tout d’abord à la question des pharisiens et des scribes par un long moment de silence. Il se baisse et, du doigt, il écrit sur la terre. Puis il relève la tête, regarde lentement ceux qui étaient là devant lui et leur dit une parole, juste une, mais fort embarrassante : Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. Il baisse la tête de nouveau, et continue à faire des dessins sur le sol. Inévitablement, nous sommes portés à nous demander ce que Jésus pouvait bien écrire ou dessiner.

Ce n’est pas cela qui est important, c’est plutôt le silence qu’il provoque et la question qu’il pose. Jésus ne prend pas la défense de la femme, et même, d’une certaine façon, il reconnait le mal qu’elle a fait, et il ne la condamne pas. Tout comme il ne justifie pas, ni ne condamne ces hommes qui l’ont amenée. Un silence, un geste, qui font qu’il ne regarde plus tous ceux qui sont là. Il les renvoie à eux-mêmes, à leur conscience. Tous ceux à qui il enseigne, pour reprendre le mot du récit, font silence : les scribes et les pharisiens, et aussi la femme, et tous ces gens qui l’écoutent.  Reconnaissant qui ils sont, les scribes et les pharisiens s’en vont un par un, Levant la tête, jetant un regard autour de lui, Jésus se retrouve seul avec la femme, toujours là devant lui, au milieu des gens.

La sagesse de Jésus qui, une fois encore, étonne les gens rassemblés autour de lui. Ils ne s’en vont pas eux. Ils étaient venus pour l’écouter et ils réalisent bien que ça ne peut pas se terminer de cette façon. Jésus ne peut pas laisser cette femme seule, avec ce qu’elle a vécu et ce qu’elle est en train de vivre. Nous aussi, nous restons là ; ce qui suit le départ des scribes et des pharisiens nous concerne, particulièrement en ce dimanche du Carême. Écoutons les paroles de Jésus : Femme, où sont-ils donc ?...  Personne ne t’a condamnée ? … Personne, Seigneur. … Moi non plus, je ne te condamne pas. Va et désormais ne pèche plus. Des paroles que notre cœur doit entendre. Le récit de saint Jean se termine ainsi. Nous ne pouvons pas nous empêcher de laisser agir notre imagination et voir cette femme s’en aller, seule, mais sûrement heureuse de ce qu’elle venait de vivre, cet homme l’avait sauvée de la mort. Heureuse aussi de cette rencontre avec Jésus, un homme qu’elle n’oubliera jamais, ce Sauveur qui vient de lui indiquer une nouvelle route qui va changer sa vie.

La rencontre de Jésus, n’est-ce pas ce dont il est surtout parlé dans ce récit et du regard qu’il porte sur les gens, venus l’entendre, regard qu’il porte donc aussi sur chacune, chacun de nous ? Le récit ne nous dit rien de cette femme, nous ignorons tout à son sujet, sauf qu’elle a péché. Ne se pourrait-il pas qu’il soit possible de l’identifier, et justement à cause de son anonymat. Ne représenterait-t-elle pas toute l’humanité, que l’histoire nous fait voir si souvent infidèle au dessein de Dieu ? Les prophètes de l’Ancien Testament ne comparaient-t-ils pas le peuple élu à une femme adultère quand il s’éloignait de Dieu ?  Cette femme n’aurait-elle pas notre visage ? Comme elle, laissons Jésus nous regarder et nous dire sa parole de pardon au cours de cette Eucharistie, rencontre avec lui.

Marc Bouchard, prêtre
mbouchard751@gmail.com