Homélie "4e dimanche C" 3 février 2019

Homélie
2019/01/31
Homélie "4e dimanche C" 3 février 2019

4e dimanche C
3 février 2019
Homélie
(Jér 1,4-5.17-19 ; I Cor 12,31-13,13 ; Lc 4,21-30)

On peut trouver dans le Nouveau Testament beaucoup de très beaux passages qui retiennent particulièrement notre attention. Parmi ces textes, il y a ce celui de la première lettre de l’apôtre Paul aux Corinthiens que nous fait lire la liturgie de ce dimanche. On a pris l’habitude de donner à ce texte le titre d’hymne à la charité, d’hymne à l’amour. Il arrive souvent que de jeunes fiancés choisissent ce texte pour la liturgie de leur mariage. Ils voient bien qu’il s’agit de cet amour qui doit marquer toute leur vie, ce que devra être leur vie ensemble s’ils veulent qu’elle les rende heureux.

Cependant, l’amour dont parle saint Paul ne concerne pas seulement celui que vivent deux époux. Il s’agit, beaucoup plus largement, de cet amour qui doit aussi se vivre entre nous, dans nos familles, nos communautés, nos milieux de vie, de travail, dans les mouvements, les organismes dans lesquels nous sommes engagés.

Pour mieux saisir toute l’actualité de cet appel à l’amour, à la charité, il faut situer ce beau poème de saint Paul dans l’ensemble de sa lettre aux chrétiens de Corinthe. Au chapitre 11, peu avant cet hymne à la charité, l’Apôtre osait dire aux chrétiens de Corinthe : Je ne vous félicite pas pour vos réunions : elles vous font plus de mal que de bien. Tout d’abord, quand votre Église se réunit, j’entends dire que, parmi vous, il existe des divisions, et je crois que c’est assez vrai. Si on lit toute la lettre on constate qu’il y avait dans cette communauté des problèmes sérieux et  sérieux, contraires à la charité.

Dans ses lettres, saint Paul commence toujours par des éloges à l’égard des communautés auxquelles il s’adresse, mais suivent souvent des reproches sévères. Après avoir souligné ce qu’il y voyait de bon et de beau, après avoir mis en évidence tous ces charismes qu’on pouvait reconnaître, après avoir rendu grâce, il leur faisait voir tout ce qui n’était pas conforme à la vie de disciples de Jésus.

Il s’agit pourtant de ces premières communautés chrétiennes auxquelles nous sommes très attachés parce que c’est à leur suite et en se référant à leur foi, que l’Église du Christ Ressuscité a entrepris sa longue marche avec l’humanité. Nous savons que cette marche n’a jamais été facile. L’Église a toujours connu des tensions, des querelles, des scandales qui faisaient qu’elle avait sans cesse besoin de se convertir.

Ce que dit saint Paul à l’Église de Corinthe, l’Église a toujours eu besoin de se le faire dire, et encore aujourd’hui. Recherchez avec ardeur les dons les plus grands. Et maintenant, je vais vous indiquer le chemin par excellence. Le chemin par excellence qu’il indique, c’est celui de l’amour, comme l’avait fait Jésus, avant d’instituer l’Eucharistie : Mon commandement le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.

Remarquons que saint Paul emploie le mot amour tout au long de son texte, sauf quand il arrive à la conclusion. Il utilise alors le mot charité. Si les vertus qui caractérisent la vie chrétienne sont la foi, l’espérance et la charité, il souligne que la plus grande des trois, c’est la charité.  Il ne s’agit pas de l’amour sentimental ou fraternel, un amour qui habituellement suppose, exige de la réciprocité. Le mot charité, traduction du mot grec agapê, un mot qu’on utilise souvent, a un sens plus large et invite à des relations qui vont plus loin, qui permettent de rejoindre beaucoup plus de monde, de incluent bien des situations, même celles qui divisent. Jésus ne demandait-il pas à ses disciples d’aimer même leurs ennemis.

Dans sa lettre, l’Apôtre s’adresse à une communauté chrétienne bien identifiée, celle de Corinthe, qui rassemble des femmes et des hommes de tous les âges, des gens instruits et des illettrés, des pauvres et des riches, des juifs et des grecs, des gens qui se connaissent bien et d’autres qui se connaissent peu ou pas du tout. Cette communauté passait alors une période difficile, et cela même du temps des apôtres.  

L’amour, la charité, pour un disciple du Seigneur, c’est beaucoup plus important que le fait d’être polyglotte, prophète, érudit, généreux, martyr.  J’aurais beau être ou faire tout cela, écrit saint Paul, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien. Peut-on s’exprimer plus clairement ? Et pour lui, l’amour, la charité, ce ne peut pas être que des paroles, c’est ce qui doit marquer la vie chrétienne et de façon très concrète, dans ce qu’il y a de plus quotidien. Là encore, il faut prêter attention aux mots de saint Paul : patience, service, …  ne pas être jaloux, orgueilleux, rancunier, coléreux, … trouver sa joie dans ce qui est vrai, … faire confiance, … tout endurer

On peut trouver que c’est exigeant et peut-être même impossible à vivre parfaitement. Il faut alors relire la première phrase de ce texte : Recherchez avec ardeur les dons les plus grands. Et maintenant, je vais vous indiquer le chemin par excellence. L’amour, la charité, le chemin par excellence pour avancer, progresser dans une vie conforme à l’Évangile ! N’est-t-il pas opportun que cela nous soit rappelé alors que notre Église connaît actuellement une étape difficile de son histoire ? Plus que jamais nous avons à donner le témoignage de baptisés, de communautés chrétiennes qui vivent l’amour, la charité, le chemin par excellence sur lequel doivent s’engager ceux et celles qui se disent disciples du Ressuscité.

N’est-ce pas ce que le pape François va dire, dans ses mots à lui, aux présidents de toutes les conférences épiscopales du monde, une rencontre qu’il a convoquée, qui va avoir lieu à Rome du 21 au 24 de ce mois. C’est la première fois qu’une telle rencontre a lieu et cela dit la gravité de ce que vit notre Église catholique actuellement. Prions pour que cette rencontre porte des fruits.

Il faut entendre cet appel de saint Paul aux Corinthiens lu aujourd’hui et celui du pape François à tous les évêques du monde, comme s’adressant aussi à tous les chrétiens, à chacun, chacune de nous, à notre communauté rassemblée en ce dimanche pour l’Eucharistie.

Marc Bouchard, prêtre