Homélie - 33e dimanche ordinaire A 2020

Homélie
2020/11/13
Homélie - 33e dimanche ordinaire A 2020

33e dimanche (Année A 2020)

Il appelle ses serviteurs et leur confie ses biens 

Homélie
(Pr 31,10 ; Th 5,1-6 ; Mt 25,14-30)

La parabole des talents ! On peut donner à ce mot deux sens tout à fait différents. Spontanément, on pense à des qualités, des aptitudes, des habiletés ; on dit souvent d’une personne qu’elle a beaucoup de talents. Mais dans la parabole, le mot talents n’a pas d’abord ce sens-là. Les talents dont parle Jésus, ce ne sont pas en premier lieu les qualités humaines des serviteurs à qui le maître dit sa confiance. Il commence par parler d’argent, d’importantes sommes, que le maître leur remet. Il utilise cette image de l’argent pour bien faire comprendre que ce que le maître confie aux serviteurs, c’est son bien, à lui, ce qui a pour lui beaucoup d’importance. Il leur remet sa fortune dans l’espérance qu’ils sauront bien la gérer et lui faire porter du fruit.

Mais dans cette parabole, Jésus, s’adressant à ses disciples, parle en fait de lui-même. C’est lui le Maître dont il est question. Son départ en voyage, ce sera sa mort ; son retour, longtemps après, quand il reviendra dans la gloire, à la fin des temps. Longtemps après ! Ne serait-ce pas le temps de l’Église, ce temps qui s’est écoulé et qui continue à s’écouler, depuis la mort et la résurrection du Christ. Vingt siècles, jusqu’à maintenant, au cours desquels ses serviteurs, ses disciples ont poursuivi sa mission, cette mission qu’il leur a confiée, et qui doit se poursuivre encore longtemps. La tâche, la responsabilité qu’il laisse à ses disciples au moment de son départ, c’est la poursuite de sa mission à lui, faire vivre et croître cette communauté qu’il est venu rassembler autour de lui, la faire grandir dans la liberté, dans la joie, dans l’amour, ce qui doit caractériser la personne, la vie de ses disciples. Allez, dira-t-il au moment de son départ, Allez, de toutes les nations, faites des disciples.

Jésus se dit disposé à faire confiance à ses serviteurs, à ceux et celles qui ont accepté, qui accepteront de le suivre, de se mettre au service de l’Évangile, de l’Église. C’est à eux, à elles qu’il revient de bien poursuivre la construction du Royaume, d’y collaborer chacun, chacune selon ses capacités. Longtemps après, le maître revient, et il leur demande des comptes. Le maître de la parabole fait confiance à ses serviteurs, mais à la condition qu’ils n’oublient jamais qu’ils ne sont pas les propriétaires des biens qu’il leur confie. Ils devront rendre compte de leur gérance. Ces serviteurs, dont parle le Seigneur, ce sont ses disciples, et sûrement parmi eux ceux et celles qui se verront confier des ministères. Il tient à leur dire qu’ils ne doivent pas se considérer comme les propriétaires de l’Église, son Église, la communauté de ses disciples. Jésus, toujours très réaliste, indique bien toutefois que les serviteurs ne reçoivent pas tous le même nombre de talents, qu’ils doivent se comporter chacun selon ses capacités. Il s’agit du mot talents, mais dans son deuxième sens. Tous vivent la même mission, mais ils n’ont pas tous la même responsabilité, parce qu’ils n’ont pas tous les mêmes talents, les mêmes capacités.

On sait que Paul a été envoyé pour évangéliser les nations païennes, que Pierre a reçu la mission toute particulière de garder la communauté ecclésiale dans l’unité et dans la charité, que cela rejoignait ce qu’ils étaient comme personnes. On sait aussi que tous les deux et les autres apôtres à leur suite vont s’empresser d’engager des hommes et des femmes dans ces divers ministères que va exiger la vie des communautés. À ceux et celles qui contribueront efficacement à la croissance du Royaume, qui n’auront pas eu peur d’aller de l’avant, de prendre des risques, d’explorer de nouvelles prairies pour conduire les brebis sur de bons pâturages, il dira : Serviteurs bons et fidèles, tu as été fidèle pour peu de choses, entre dans la joie de ton Seigneur.

Marc Pelchat, évêque auxiliaire vient de publier un intéressant petit volume dans lequel il dit que même ce temps pénible de pandémie s’intègre dans le temps de la mission confiée par Jésus à ses disciples. Le titre de son volume le dit bien : Accueillir la vie d’après, Réflexions pour un temps de pandémie. Ce temps de pandémie peut et doit être vécu comme un temps de profond changement, et dans notre société et dans notre Église. Mgr Pelchat insiste pour dire à tous les baptisés et particulièrement aux pasteurs qu’ils doivent faire en sorte que la mission que le Seigneur leur a confiée les engage dans un chemin de renouveau. La longue histoire de l’Église nous apprend que c’est dans l’initiative et l’inventivité des disciples que l’Esprit du Seigneur se manifeste, qu’il est agissant dans l’Église et dans le monde.

Quelques mots que nous adresse Mgr Pelchat : Pour penser le monde d’après, nous avons besoin d’accepter que notre vision du monde soit bousculée par les événements actuels. Nous devons envisager de changer des choses. Une crise comme celle-ci constitue un puissant révélateur de nos forces et de nos failles. Elle nous aide à comprendre le monde dans lequel nous vivons et elle nous prépare à envisager une réalité différente. Il continue : L’Église vit depuis un bon moment un long processus de transformation. La situation actuelle pourrait même servir d’accélérateur à ce processus. … Il est encore difficile d’imaginer où nous reprendrons le cours des choses. Cependant penser reprendre nos services pastoraux et maintenir l’organisation ecclésiale telle qu’elle était avant le coronavirus pourrait être une illusion. Il faut saisir l’occasion, une fois de plus, pour imaginer l’Église autrement, comme cela a été fait à d’autres époques.

Notre Église diocésaine a commencé à préparer la célébration de son 350e anniversaire. Elle doit à l’Esprit qui l’a accompagnée durant ce long temps d’avoir été fidèle à sa mission, reçue du Seigneur. Elle se doit à elle-même et surtout elle doit au Seigneur de poursuivre sa mission en se rendant capable d’accueillir la vie d’après, d’après ce temps que nous vivons présentement. Pasteurs et fidèles, nous devons tous être à l’écoute de la vie et de l’Esprit pour nous engager dans un vrai renouveau. Nous laissant guider par l’Esprit, pasteurs et fidèles, tout comme nos prédécesseurs, nous devons oser regarder l’avenir avec confiance, en étant des témoins de la liberté, de la joie, de l’amour, ces attitudes essentielles à l’annonce de l’Évangile parce qu’elles disent qui est le Dieu auquel nous croyons.

Marc Bouchard, prêtre

mbouchard751@gmail.com