Homélie "1er dimanche du Carême C" 10 mars 2019

Homélie
2019/03/07
Homélie "1er dimanche du Carême C" 10 mars 2019

1er dimanche du Carême de l’année C 2019

Homélie


(Dt 26,4-10 ; Rm 10,8-13 ; Lc 4,1-13)

« Tout près de toi est la Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur »


Tout récemment, dans les journaux et à la télévision, on a critiqué le pape François parce qu’il a osé parler de l’esprit du mal, présent dans notre monde, dans le cœur de beaucoup de gens, et il a osé lui donner un nom, celui de Satan. Il s’est ainsi exprimé dans son discours à la fin de la réunion des présidents des conférence épiscopales du monde tenue à Rome relativement au problème de la pédophilie. Ce n'était pas la première fois qu’il parlait du diable, du démon, auquel il donne le nom de Satan. On semble oublier que le Pape est chrétien, qu’il s’adresse d’abord aux fidèles de l’Église catholique dont il est le premier pasteur, et donc qu’il emploie le langage chrétien, le langage des évangiles.

L’esprit du mal qui, dans son orgueil et son arrogance, se sent le maître du monde et pense avoir vaincu. Ce sont là les mots du Pape. N’est-ce pas ce qu’on peut penser quand on voit ce qui se passe dans notre monde actuel ? Qui oserait affirmer que la présence du mal ne fait pas partie de l’histoire présente de l’humanité, comme de celle de toutes les époques antérieures ? Pourquoi ne donnerait-on pas un nom à cet esprit du mal qui semble bien chercher à habiter le cœur humain, à venir s’établir dans la vie de chaque personne, pour l’empêcher de rencontrer Dieu et de vivre en accomplissant sa volonté ? Lundi dernier, comme le fait tout bon évêque, le Pape est allé visiter une paroisse de son diocèse de Rome, ce qu’il fait fréquemment. On comprend facilement qu’on lui a fait rencontrer des enfants, dont ceux qui venaient de faire leur première communion. Il a osé parler avec eux du diable.

Il faut croire qu’il connaît bien ce récit de l’Évangile de saint Luc que la liturgie nous fait lire en ce début du Carême. Remarquons ce détail qui n’en est pas un : le mot diable y revient cinq fois et, de plus, c’est pour nous raconter les tentations de Jésus dans le désert. L’esprit du mal voudrait bien changer le cœur de Jésus, cet Homme de Nazareth qui vient tout juste d’être baptisé par Jean le Baptiste et qui se prépare à s’engager dans l’annonce de la venue du Royaume de Dieu. Ce récit nous fait bien voir que le Fils de Dieu, se faisant homme, a vécu la vie humaine dans toute sa vérité. Vrai Dieu et vrai homme disons-nous de Jésus. Vrai homme !

Avant de prendre la route pour réaliser sa mission, Jésus se donne un long temps de prière, de réflexion, quarante jours écrit saint Luc. Quarante, un nombre symbolique dans la Bible, il signifie que toute démarche conduisant à une rencontre avec Dieu, que tout engagement en réponse à un appel de Dieu se vit dans le temps, dans la durée, dans l’histoire d’une personne. Le Carême, le temps que la liturgie de l’Église nous offre pour nous préparer à Pâques, nous engager sur la route d’une vie renouvelée.

Ce récit des tentations de Jésus au désert nous met face aux choix et aux combats qui marquent toute vie humaine. Il nous fait voir cette période de quarante jours, ce temps du Carême comme un temps privilégié pour mener ce combat spirituel, cette lutte contre le mal en nous. Il augmente en nous la force de poursuivre cette marche, entreprise lors de notre baptême, qui a pour seul objectif de nous rapprocher de Dieu et aussi des autres, nous rendre capables de mieux vivre le commandement du Seigneur, dans le temps de notre vie, chaque semaine, chaque jour.

Trois tentations ! La première, celle du pain, cette tentation de chercher à satisfaire tous nos désirs, tous nos instincts, à répondre à tous nos espoirs, à tous nos rêves de bien-être, de confort, de vie facile. Ne serait-ce pas une invitation à profiter du Carême pour nous nourrir de ce pain, dont nous parle les textes de ce dimanche, capable de rassasier notre cœur : la Parole de Dieu ? Pourquoi ne lirions-nous pas l’Évangile de saint Luc pendant le Carême, celui que la liturgie nous fait lire chaque dimanche de cette année ?  

Une deuxième tentation, celle de vouloir dominer les autres. Le démon aurait bien voulu que Jésus se serve de sa puissance pour devenir un roi, le chef du peuple, et qu’il le fasse en exerçant le pouvoir à la manière des puissants de ce monde. Si le Carême pouvait nous apprendre comment nous mieux comporter avec les autres, en les respectant, en les estimant, en les aimant. Si le Carême pouvait nous apprendre à être vraiment libres face à toutes ces puissances qui cherchent à envahir notre vie.

La troisième tentation, peut-être la plus grave, celle de vouloir briser notre relation avec Dieu. Mettre Dieu à l'épreuve, le sommer de nous faire réussir, de nous éviter tout problème, toute difficulté. Une réelle tentation, nous mettre à la place de Dieu, lui dire ce qu'il devrait faire, le mettre à notre service. Si ce Carême pouvait nous amener à nous décentrer de nous-mêmes, pour nous tourner résolument vers Dieu, faire sa volonté, pas la nôtre.

Les tentations qu’a connues Jésus au désert sont celles de toute personne humaine. Si ce Carême rendait plus vrai, plus fort notre désir de marcher à la suite de Jésus, ce pourrait être un temps merveilleux de croissance, d'épanouissement du meilleur de nous-mêmes, de renouvellement de notre vie filiale et fraternelle, de participation à un renouveau dans la vie de nos communautés chrétiennes, de notre Église.


Marc Bouchard, prêtre
mbouchard751@gmail.com