Homélie - 17e dimanche ordinaire A 2020

Homélie
2020/07/27
Homélie - 17e dimanche ordinaire A 2020

17e dimanche ordinaire (Année A 2020)

Homélie
(I R 3,5.7-12 ; Rm 8,28-30 ; Mt 13, 44-52)

Savoir puiser dans ce trésor que sont le neuf et l’ancien !

La lecture des évangiles nous amène à penser que Jésus était un bon conteur, ce qui contribuait pour beaucoup à faire de lui un bon prédicateur, capable de rassembler des foules qui l’écoutaient longuement jusqu’à ressentir la fatigue et la faim. Les nombreuses paraboles que les évangélistes ont tenu à conserver disent bien que Jésus savait raconter de petites histoires toutes pleines de sens, invitant ses auditeurs à la réflexion et à des changements dans leur vie. Les images qu’il utilisait étaient riches de signification, très parlantes pour les gens de son milieu et de son temps et, il faut bien le reconnaître, elles n’ont pas subi l’usure du temps, et c’est avec profit que nous les laissons nous parler encore aujourd’hui.

Nous venons d’entendre trois de ces paraboles. Trois courtes paraboles, qui tiennent en quelques lignes, trois images qui nous parlent du Royaume des cieux : un trésor caché dans un champ, une perle de grande valeur, un filet rempli de poissons de toutes sortes, des images qui se référaient à la vie courante des gens de cette époque et de ce coin de pays. On sait, par exemple, qu’on cachait dans les champs de l’argent ou des objets de valeur parce qu’on ne se faisait pas trop confiance aux banques, qu’on craignait les brigands, les soldats, les collecteurs d’impôts. Jésus utilise donc quelque chose de familier pour ses auditeurs, une bonne façon d’attirer leur attention.

Toutefois cela devenait d’agréables symboles pour leur dire, pour nous dire que le vrai trésor, ce n’est pas quelques pièces de monnaie, une perle rare, une pêche abondante. Le vrai trésor est là au milieu de nous et trop souvent nous ne savons pas le voir. À notre surprise, il arrive qu’il se passe quelque chose d’imprévu dans notre vie, que survient un événement dérangeant, la rencontre de quelqu’un, une expérience nouvelle, que surgit en nous une inspiration qui vient nous bouleverser intérieurement. Si nous savons nous arrêter et réfléchir, tout cela peut nous faire reconnaître ce trésor qu’est la présence de Dieu, la vie avec lui. Tellement de récits de conversion, d’hier et d’aujourd’hui, en témoignent. Nous réalisons alors que quelque chose est transformé dans notre vie, qu’une lumière brille, qu’une grande joie envahit notre cœur, notre vie. Comme le disent ces paraboles, découvrir le Royaume des cieux comme un trésor, c’est laisser la lumière et la joie de Dieu illuminer notre vie.

À la suite des ces trois paraboles, l’Évangéliste a cette réflexion tellement juste. C’est ainsi que tout scribe devenu disciple du Royaume des cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien. Les scribes étaient des copistes, l’imprimerie n’ayant pas encore été inventée. Il fallait que chaque texte soit écrit à la main, un travail exigeant. À force de lire, de copier, de recopier les mêmes textes, un scribe finissait par les bien connaître. Ceux qui étaient chargés de transcrire les textes sacrés et particulièrement ceux du Nouveau Testament en arrivaient parfois à se convertir à la foi chrétienne et donc à devenir disciples eux aussi.  Tirer de son trésor du neuf et de l’ancien ! L’ancien, c’est la tradition transmise par ces textes, c’est le trésor de cette longue tradition qu’avaient conservée les Écritures. Le neuf, c’est l’orientation que Jésus est venu donner à cette longue histoire de la foi, sa façon de redonner toute leur jeunesse à ces vieux textes. Le neuf, c’est cette grande liberté qu’a eue Jésus de partir de la vie des gens pour les mettre sur la piste d’un vrai trésor, n’hésitant pas à ouvrir devant eux des voies nouvelles dans leur recherche de Dieu, dans la compréhension de sa Parole.

Toute notre vie humaine est ainsi faite de neuf et de vieux. Notre expérience nous l’a appris. Nous disons si souvent que la vie a beaucoup changé, que le monde est tellement différent de ce qu’il était. Il peut même arriver que nous soyons parfois inquiets en nous disant que le monde actuel s’intéresse seulement à ce qui est neuf, uniquement au moment présent et qu’il considère tout ce qui s’est vécu hier comme vieux et dépassé, sans intérêt. On regarde trop souvent le passé avec les yeux d’aujourd’hui. Pourtant, il n’y a pas d’avenir sans histoire, il n’y a pas de présent sans passé. Il n’y a pas de petits-enfants sans grands-parents. Un monde sans grands-parents serait un monde sans transmission d’un héritage, d’un héritage culturel, d’un héritage de foi, d’un héritage de sagesse, comme le disait la première lecture.

Le tout jeune roi Salomon, dans sa prière, demandait à Dieu de lui donner un cœur attentif qui sache discerner le bien et le mal, un cœur intelligent et sage. Nous pouvons oser penser et dire que si notre société ne sait pas reconnaître la riche expérience de son passé, elle ne sera pas capable de se développer culturellement et spirituellement. Elle est donc pleine de sagesse cette idée du scribe devenu disciple qui sait tirer de son trésor du neuf et du vieux, qui sait rajeunir le vieux, qui sait relier le neuf à l’ancien pour en connaître l’origine et en découvrir le sens. Jésus a eu cette parole qui rejoint celle sur laquelle nous réfléchissons : Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi et les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Jésus ne s’est pas laissé enfermer dans le passé de son peuple, mais il ne l’a pas rejeté, il l’a intégré dans cette Bonne Nouvelle qu’il venait annoncer.

Nous ne pouvons pas ne pas penser à notre Église, à ces débats, à ces problèmes nouveaux qui peuvent nous paraître très dérangeants, mais qu’il nous faut nécessairement savoir affronter avec audace et sérénité. Penser aussi à notre société qui entre à pleine vitesse dans une nouvelle étape de son histoire, qui ne doit pas lui faire oublier toute la richesse de son passé, Ceux qui nous ont précédé n’ont pas fait que des erreurs, n’ont pas vécu dans une grande noirceur comme on le dit si souvent. Nous ne pouvons pas de plus ignorer ce que nous vivons actuellement, cette pandémie qui est en train de bouleverser notre manière de vivre et qui va nous obliger à bâtir du.

Prions pour que soient donnés à notre société et à notre Église des femmes et des hommes qui savent se servir de la richesse du passé pour s’engager dans l’avenir avec encore plus d’audace et d’inventivité. Jésus nous invite aujourd’hui à savoir tirer de ce trésor du neuf et de l’ancien, à nos laisser surprendre par Dieu à travers les événements qui marquent notre vie. Quand les hommes aiment Dieu, nous dit saint Paul, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. Prions pour que nous nous laissions guider par la sagesse de l’Évangile, ces écrits rédigés depuis deux mille ans, pour que la Parole de Dieu éclaire notre façon de vivre notre foi et que nous ayons l’audace de la dire au monde d’aujourd’hui.

Marc Bouchard, prêtre

mbouchard751@gmail.com