Homélie - 15e dimanche ordinaire 2021 B

Homélie
2021/07/12
Homélie - 15e dimanche ordinaire 2021 B

15e dimanche du temps ordinaire 2021 B

« Nous sommes le visage de l’Église vivante aujourd’hui. »

 

Homélie

(Am 7,12-15 ; Éph 1,3-14 ; Mc 6,7-13)

Nous connaissons tous ce chant dont on peut lire les paroles dans le Prions en Église et qui a comme refrain : Rassemblés dans la foi, fidèles à la Parole, soyons dans l’amour l’Église vivante. Il faut, plus que jamais, prêter attention à ces mots : Soyons dans l’amour l’Église vivante ! Notre Église a le visage que nous lui donnons, nous catholiques : c’est à travers nos gestes et nos paroles, en nous voyant vivre, que les gens vont mieux connaître cette Église que nous sommes, nous ici rassemblés en ce jour du Seigneur.

On nous a rappelé dans la première lecture que Dieu, un jour, a choisi Osée, un bouvier, un gardien de troupeaux, pour en faire un prophète, quelqu’un qui parlera en son nom. Il en a été ainsi pour presque tous les prophètes, Dieu a pris des hommes et des femmes bien ordinaires. Il en sera de même pour Jésus, nous connaissons bien ces récits des Évangiles où il appelle des hommes et des femmes à le suivre.

Nous lisons aujourd’hui cet épisode de l’Évangile de saint Marc où nous est raconté le premier envoi en mission des disciples, douze hommes bien ordinaires auxquels pour la première fois est donné le nom d’apôtres. Des femmes aussi suivront Jésus et participeront à sa mission de Jésus. Pensons à celles qui l’ont suivi jusqu’à sa mort sur la croix et qui ont été les premières à le voir ressuscité.  

La deuxième lecture nous a fait entendre ces paroles de l’apôtre Paul aux chrétiens d’Éphèse, ces hommes, ces femmes auxquels il a fait connaître Jésus. Baptisés, ils sont devenus ses disciples. Ce qu’il leur dit dans sa lettre nous est à nous aujourd’hui. Dieu nous a choisis pour que nous soyons dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard.     

Il faut remarquer comment saint Paul s’exprime. Il dit nous, Dieu nous a choisis. Ce nous le comprend, lui, l’apôtre Paul, et les chrétiens d’Éphèse, et nous qui lisons sa lettre aujourd’hui. Notre baptême a fait de nous, comme pour saint Paul, comme pour les chrétiens d’Éphèse, des disciples du Christ, ce que veut dire le mot chrétien. Un chrétien, une chrétienne, c’est quelqu’un qui a relié sa vie à celle du Christ, et donc quelqu’un qu’il envoie en mission, et d’abord là où vit cette personne.

La Parole de Dieu de ce dimanche nous pose une question sérieuse et très actuelle. Notre vie quotidienne, comme individus et comme communauté, donne-t-elle à l’Église un visage qui la rend attirante : sommes-nous des témoins de l’Église vivante ? Il semble bien que ce n’est pas ainsi que notre Église catholique est perçue dans notre pays présentement, si on se réfère à ce que disent les médias. Il est vrai que nous ne sommes peut-être pas des saints et des saintes, mais cela ne nous empêche pas d’être des disciples du Christ, et donc des témoins de son Église, d’être de ces catholiques qui contribuent à faire voir le vrai visage de notre Église.

Permettez-moi de vous faire part de l’expérience de l’Église que j’ai vécue avec ces nombreuses communautés de disciples du Christ avec lesquelles j’ai célébré l’Eucharistie au cours de mes 67 années de ministère pastoral. Tout d’abord ici dans notre diocèse où j’ai eu l’occasion de participer, d’une manière ou d’une autre, à la vie de presque toutes les paroisses. Partout où je suis allé j’ai rencontré des chrétiennes, des chrétiens qui m’ont édifié par leur foi dans le Christ ressuscité et leur façon de la vivre dans leur famille, leur milieu.

Je ne peux oublier ces autres communautés avec lesquelles je me suis retrouvé dans de nombreux pays étrangers où je suis allé, pour des séjours d’études, des congrès, ou des voyages tout simplement. Chaque fois, souvent avec un ami prêtre lui aussi, nous sommes fait un devoir d’entrer en contact avec des communautés chrétiennes. Le souvenir qui reste présent dans ma mémoire c’est d’avoir découvert partout la présence d’une une Église bien vivante, des disciples du Christ avec qui j’ai participé à des célébrations liturgiques pleines de foi et de prière. Partout je me suis senti chez moi, même si la langue était différente, les rites tout autres que les nôtres.

Si j’en avais le temps, je vous parlerais de ces deux semaines que j’ai vécue au Caire, la capitale de l’Égypte, chez l’Évêque grec-catholique qui m’a fait rencontrer plusieurs groupes de catholiques, très peu nombreux dans ce pays et souvent persécutés. Une célébration eucharistique m’a particulièrement impressionné, c’était avec une communauté chrétienne d’immigrants, des Érythréens, des gens de l’Éthiopie, qui avaient fui leur pays parce que persécutés. J’ai vécu ce soir-là une eucharistie tout à fait différente de la nôtre, mais très belle, très priante, avec de la musique et du chant inhabituels pour moi. Comme j’étais le seul blanc, on est venu me demander de participer à la présentation des offrandes.

Il y a un bon nombre d’années, j’étais en Afrique pour la fête de Noël, plus précisément en Côte d’Ivoire. Un missionnaire m’a demandé si je voulais célébrer l’Eucharistie dans un village de brousse dont je n’ai jamais oublié le nom, Sankadiokro. Ce missionnaire m’a laissé dans ce village où j’étais là aussi le seul blanc. Je parlais en français, deux interprètes traduisaient ce que je disais dans deux langues locales différentes. Après la messe, on m’a fait visiter les malades et ensuite j’ai été reçu dans plusieurs familles.

Lors d’un voyage en Russie, avant la chute du communisme, nous nous sommes arrêtés dans la petite ville de Novgorod où on peut voir plus d’une dizaine d’églises. Mon ami et moi nous sommes levés très tôt et avons cherché une église qui serait ouverte. De fait nous en avons trouvé une et nous sommes entrés. De nombreuses personnes y priaient, mais uniquement des grands-mères avec des petits-enfants.  Je me suis rappelé ce que j’avais lu dans une revue où un journaliste racontait son enquête sur la religion en pays communiste. Il terminait en écrivant : Il ne faut pas craindre pour l’avenir de la religion en URSS, elle est dans le cœur et entre les mains des grands-mamans et des petits-enfants. Ça m’est apparu tellement vrai dans cette petite église de Novgorod.

Je pourrais vous raconter beaucoup d’autres expériences vécues avec des communautés chrétiennes de différentes cultures, de différents rites, des communautés accueillantes, où chaque fois je me suis senti chez moi. Si je vous raconte cela, c’est parce que j’ai le sentiment d’avoir découvert chez tellement de chrétiens le vrai visage de l’Église catholique, l’Église du Christ, du peuple chrétien. J’ai ainsi appris que l’Église n’est pas d’abord une grande et importante organisation, une institution internationale, L’Église, ce sont d’abord ces communautés de disciples de Jésus présentes partout dans le monde, souvent isolées, pauvres, persécutées même. Et aussi des communautés chrétiennes comme les nôtres ici au Québec. Chacune de ces communautés est présence de l’Église du Christ dans son coin de pays.

Peut-être est-il bon de se redire comment l‘Église a pris naissance dans ce coin du monde où nous vivons. Quand Samuel de Champlain a fondé la ville de Québec, en 1608, il y avait déjà ici une communauté chrétienne, des hommes surtout, mais aussi des femmes, venus de France, qui vivaient leur foi. Il faudra attendre 1647 avant qu’on y établisse une paroisse, Notre-Dame- de-la-Paix, notre paroisse, en ce lieu où nous sommes, ou on a construit une première église.

Mgr de Laval n’arrivera qu’en 1659 et ce qu’il s’empressera de faire, c’est de se rendre visiter chacune des communautés chrétiennes de son vicariat apostolique, depuis Tadoussac jusqu’à Montréal. L’Église existait déjà. Elle était là bien vivante. La présence d’un évêque et de prêtres fera qu’elle deviendra un diocèse en 1674.

L’Église du Christ, notre Église catholique, c’est d’abord chacune des communautés de disciples du Seigneur, et tout particulièrement quand elle se rassemble pour l’Eucharistie dominicale. Il se peut que nous soyons tristes devant ce que notre Église vit présentement au Québec. Mats tant qu’il y aura des disciples de Jésus ressuscité qui se rassembleront pour faire mémoire de lui le dimanche et être ses témoins tout au long de la semaine, l’Église sera bien vivante, comme l’étaient les modestes Églises de Jérusalem, de Thessalonique, d’Éphèse et même de Rome au cours du premier siècle.

Marc Bouchard / mbouchard751@gmail.com