Homélie pour le Mercredi des Cendres 22 février 2023 à la Chapelle de la Congrégation au Séminaire de Québec par l’abbé Gilles Routhier, supérieur général

Homélie
2023/02/23
Homélie pour le Mercredi des Cendres 22 février 2023 à la Chapelle de la Congrégation au Séminaire de Québec par l’abbé Gilles Routhier, supérieur général

Nous amorçons aujourd’hui, avec le Mercredi des Cendres, notre voyage vers Pâques, notre pèlerinage vers Pâques. Cette quarantaine pascale qui représente un voyage, une montée à Jérusalem avec Jésus, a la célébration de Pâques comme horizon, nous plonge dans un passage, nous fait vivre une traversée. Ce voyage a été structurée à partir d'une expérience de passage ou de conversion, expérience de changement de vie. La liturgie du carême a été structurée par l’itinéraire des catéchumènes, d’abord, et le pèlerinage des pénitents qui, entrés dans l’ordre des pénitents au début du carême, se préparaient plus intensément au retour dans la communion de l‘Église signifié par l’union à Dieu et avec les autres.

Et nous aussi, en nous engageant avec et à la suite des catéchumènes et des pénitents dans cette marche vers Pâques, nous reconnaissons que nous sommes terreux, que nous sommes poussière, poussière qui a besoin d’être animée par le souffle de Dieu.

Je voudrais m’arrêter un moment sur notre situation au début de cet itinéraire pascal, itinéraire de transformation. Nous y entrons naturellement dans un état d’esprit différent de celui des catéchumènes ou des pénitents qui changeaient de vie ou qui se convertissaient; qui embrassaient une autre manière de vivre, les mœurs du Royaume.

Quelle est notre état d’esprit en ce début de carême? Comment nous situons-nous?

Au mois de juillet dernier, le pape François est venu au pays. Il présentait ce voyage comme un pèlerinage de pénitence et de réconciliation pour panser les plaies et contribuer au chemin de guérison et de réconciliation. Ce voyage l’a changé, transformé. Ce pèlerinage a changé quelque chose au Canada aussi et a changé ses interlocuteurs.

Voilà la Pâques du pèlerin pénitent qui fait écho à tous ces pénitents qui faisaient le pèlerinage, d’abord à Jérusalem et, plus tard, à St Jacques de Compostelle. Ils se mettaient en route dans l’espoir d’être spirituellement renouvelés, transformés, certes personnellement, mais aussi pour que le monde dans lequel ils vivaient soit renouvelé, guéri, réconcilié.

Pour nous, entrer en carême c’est, tout en restant ici, entrer dans une démarche pèlerine, c’est se mettre en mouvement (« revenez à moi »), se mettre en marche vers Dieu et vers les autres afin que notre monde soit guéri, réconcilié. Que notre cœur soit aussi guéri, purgé de ces rancunes qui le meurtrissent, libérés de ces amertumes qui nous empoisonnent, de la soif de revanche, des sentiments d’hostilité. Que notre cœur revienne à Dieu et se détache des idoles.

Entrer en carême, bien qu’en restant ici, c’est revenir à Dieu de tout notre cœur, c’est se mettre dans la posture du pénitent qui s’abandonne entre les mains secourables de Dieu, qui se livre à  sa grâce qui nous travaille, nous remue et qui change notre cœur.

Trois moyens nous sont offerts pour accompagner ce voyage, trois moyens qui s’appuient et se renforcent mutuellement : le jeûne, qui nous fait renoncer à tout ramener à soi, à tout posséder, à consommer et à satisfaire tous ses besoins, nous faire renoncer à nous placer au centre, dans un mouvement qui nous transforme. Si j’adopte cette posture, je suis conduit à situer le centre en dehors de moi-même. Elle se prolonge dans l’aumône qui manifeste l’ouverture aux autres et dans la prière manifeste l’ouverture à Dieu.

Pour commenter ces trois moyens je recours à notre saint patron, saint François de Sales. Au chapitre premier de la première partie de son Introduction à la vie dévote alors qu’il réfléchit sur la vraie dévotion, il écrit :

Tel qui s’est attaché à la pratique du jeûne, se croit dévot, pourvu qu’il jeûne souvent, quoiqu’il nourrisse dans son cœur une haine secrète : et tandis qu’il n’ose pas tramper le bout de la langue dans le vin ou même dans l’eau, de peur de blesser la perfection de la tempérance, il goûte avec plaisir tout ce que lui suggèrent la médisance et la calomnie, qui sont insatiables du sang du prochain. Telle s’estimera dévote, parce qu’elle a coutume de réciter tous les jours une longue suite de prières, quoique après cela elle s’échappe dans son domestique ou ailleurs, en toutes sortes de paroles fâcheuses, fières et injurieuses. Celui-là tient toujours sa bourse ouverte aux pauvres ; mais il a toujours le cœur fermé à l’amour de son prochain, à qui il ne veut pas pardonner, Celui-ci pardonne de bon cœur à ses ennemis ; mais payer ses créanciers, c’est ce qu’il ne fait jamais, s’il n’y est contraint. Toutes ces personnes se croient fort dévotes, et peut-être que le monde les croit telles ; cependant elles ne le sont nullement,

En un mot la dévotion n’est autre chose qu’une certaine agilité et vivacité spirituelle, par laquelle ou la charité opère en nous, ou nous-mêmes nous faisons avec la charité tout le bien dont nous sommes capables. C’est à la charité de nous faire observer universellement tous les commandements de Dieu […]. Et parce que la dévotion consiste essentiellement dans une excellente charité.

Je vous souhaite un bon carême, un saint carême de vraie dévotion qui consiste en un agilité et vivacité spirituelle.

 Que la charité en laquelle consiste la vraie dévotion opère en vous.

Je vous souhaite un carême de pénitence qui ouvre des chemins de réconciliation, et qui transforme votre vie et votre milieu, un carême où vous vous abandonnerez à la miséricorde de Dieu et à la grâce.

Amen!