Homélie pour la fête de la Sainte-Famille par M. l'abbé Marc Bouchard

Homélie
2016/01/08
Homélie pour la fête de la Sainte-Famille par M. l'abbé Marc Bouchard

Homélie pour la fête de la Sainte Famille 2015

(Sam 1,20-22.24-28; Jn 3,1-2.21-24; Lc 2,41-52)

Notre expérience personnelle nous dit que la famille n’est pas une réalité abstraite : elle est vie, elle est une histoire, une histoire qui se situe dans le temps et dans des lieux, une histoire qui se raconte. Les récits évangéliques que nous lisons en ce temps de l’année nous disent cela à travers la vie de la famille de Jésus, Marie, Joseph, cette famille dont nous faisons mémoire aujourd’hui, la Sainte Famille.

La fête de Noël nous a fait voir un jeune couple et son enfant. Cette famille naissante avait quelque chose de bien particulier, mais elle ne se distinguait pas des autres pour autant. L’incarnation du Fils de Dieu, sa venue dans notre histoire devait s’inscrire dans la réalité humaine la plus normale, celle d’une famille. La naissance de Jésus à Bethléem, une naissance comme les autres, avec ce que cet événement pouvait comporter à la fois de mystérieux, de simple, d’émouvant et aussi de pénible, la réalité de toute naissance et de toute vie.

Un couple uni par l’amour, un enfant tendrement accueilli et aimé ! Et aussi des secrets, comme dans la vie de toute famille, des secrets que se partageaient Marie et Joseph, des secrets qui les dépassaient, qu’ils ne comprenaient pas toujours !

De la vie bien ordinaire de cette famille, nous est rapporté ce récit que nous venons d’entendre, celui de la visite de Jésus, Marie et Joseph à Jérusalem pour la fête de Pâques, un pèlerinage que toutes les familles juives étaient invitées à faire chaque année si possible.

À cette occasion, Jésus, il avait douze ans, précise le récit, manifeste son indépendance face à ses parents. Une manifestation de sa croissance, de son entrée dans l’âge adulte, passage qui, à son époque, se faisait à cet âge. Il s’éloigne de ses parents et de son groupe de pèlerins et fait ce pèlerinage comme cela lui plait. Quand ses parents le retrouvent, ils lui disent l’angoisse qu’ils ont connue, lui font des reproches, Jésus ose alors dire à ses parents : Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être.

Marie et Joseph ont sûrement réalisé que leur fils commençait à s’éloigner d’eux pour entrer dans sa propre vie, un univers qui leur paraissait mystérieux, auquel ils n’avaient pas accès. Les affaires de son Père !  Le récit évangélique le souligne en disant, à propos de Marie, qu’elle gardait tous ces événements dans son cœur.

Nous ne savons rien d’autre de l’existence de la Sainte Famille à Nazareth. C’est le silence sur toutes ces années de vie familiale toute simple. Jusqu’aux noces de Cana. Et Marie est là avec son fils, dans une relation toute pleine d’affection et de confiance, acceptant qu’il se soit engagé sur sa propre route.

Cet événement fait voir, il faut le remarquer, que Jésus déjà s’est donné une nouvelle famille, celle de ses disciples, de ces hommes, de ces femmes qui se sont engagés à vivre avec lui, qui le suivent, selon l’expression de l’Évangile. C’est avec cette famille qu’il prendra, plus tard, le repas pascal pour en faire le signe prophétique de cette immense famille humaine qui ne cessera pas de se retrouver avec lui, et à laquelle il ne cessera plus d’être présent.

Pour nous associer à sa propre vie, à sa vie de famille trinitaire, Dieu a choisi de nous rejoindre en Jésus, son Fils, qui a pris chair au sein d’une famille. Jésus comble cette famille, sa famille humaine, de l’amour qu’il tient de son Père, en retour de la tendresse qu’il reçoit de ses parents de Nazareth. Lorsqu’il quittera son village et la maison familiale, ce sera pour fonder une nouvelle famille, celle de ses disciples, qui par la suite iront rassembler partout des communautés, des familles, dont la table familiale restera celle du pain et du vin partagés, cette qui nous réunit en ce moment.

Nous rappelons en ce temps des fêtes, des fêtes essentiellement chrétiennes, cet amour qui, parti du ciel, s’est manifesté à Bethléem, à Nazareth, au long des routes de la Palestine, à Jérusalem particulièrement où cet amour de Dieu en Jésus a dit toute sa réalité dans sa mort sur la croix, et dans la lumière éclatante du matin de Pâques.

Par la puissance de l’Esprit, ce courant d’amour a fait exister l’Église avec la mission de faire se rassembler partout les familles et les communautés dans une fraternité marquée de la présence de Ressuscité. La famille chrétienne, communauté formatrice de disciples-missionnaires, comme dit souvent le pape François, est donc appelée à être, à l’image de la Sainte Famille, un lieu d’épanouissement pour les personnes et un lieu créateur de communautés. L’amour vrai qui fait le bonheur des parents et des enfants doit se répandre, se communiquer.

Être une famille vraiment chrétienne, c’est s’aimer en Jésus-Christ et en être heureux, c’est vouloir que la parenté, les amis, les voisins, ceux et celles que la vie fait rencontrer puissent s’aimer eux aussi. Dans la mesure où des familles, des communautés d’amitié réaliseront ainsi leur mission d’accueil, de dialogue, de partage, le monde lui-même prendra de proche en proche le visage d’une immense famille, celle des enfants de Dieu réunis en Jésus Christ pour l’avenir solidaire et pacifique de l’humanité.

Le pape François, lors de la grande soirée de prière du Congrès des familles à Philadelphie, en septembre dernier a eu ces paroles : Dieu n’a pas voulu venir dans le monde autrement que dans une famille. Dieu n’a pas voulu approcher l’humanité autrement que dans un foyer, Dieu n’a pas voulu pour lui-même d’autre nom que l’Emmanuel, « Dieu avec nous ». … La famille est la grande bénédiction, le grand don de ce « Dieu avec nous », qui n’a pas voulu nous abandonner à la solitude d’une vie sans les autres, sans foyer. … La famille est le symbole vivant du plan d’amour que le Père a rêvé pour nous autrefois … en faisant vivre à son Fils la vie de famille avec Marie et Joseph à Nazareth.