Homélie - 7e dim. ord. A 2020

Homélie
2020/02/24
Homélie - 7e dim. ord. A 2020

7e dimanche ordinaire (Année A 2020)

"Vous donc, vous serez parfaits..."

Homélie
(Lev 19, 1-2,17-18 ; Ps 102 ; 1 Cor 3, 16-23 ; Mat 5, 38-48)

Il est naturel de nous défendre quand nous sommes attaqués. … Il nous paraît normal de ne pas aimer ceux et celles qui nous font du mal. … Nous ne parlons plus à une personne par qui nous avons été insultés. … Ce n'est sûrement pas ce que nous dit le Seigneur en ce dimanche : Tendre l'autre joue à cette personne qui nous gifle... Sourire à qui nous dit des paroles blessantes... Prier pour qui nous persécute... Les exigences de l’Évangile ne correspondent pas beaucoup à ce que nous propose le monde d’aujourd’hui, qui voudrait tellement que l’Église se réfère moins à la parole de Jésus et davantage à ce que disent les sondages. Il est vrai que dans sa façon de présenter l’Évangile, l’Église doit tenir compte du langage et du contexte de chaque culture et de chaque époque, mais elle doit le faire en restant résolument fidèle à Celui qui est la Voie, la Vérité, la Vie. Et l’Église, c’est nous !

 

Les récits évangéliques nous font voir comment Jésus savait parler de façon à être compris de ses auditeurs. Ces mêmes récits nous disent cependant que devant les exigences qu’il osait rappeler, plusieurs s’éloignaient, le quittaient, se sentant contredits dans ce qu’ils vivaient et incapables de changer leur manière d’être, d’agir, de parler. Heureux êtes-vous, disait Jésus à ses disciples, si vous êtes persécutés à cause de moi, heureux êtes-vous d’être fidèles à ma Parole même si cela vous dérange, vous oblige à penser autrement que tout le monde, vous cause des problèmes. Nous voyons par ces paroles de Jésus redites aujourd’hui comment il savait être réaliste. Il ose nous dire : Aimez vos ennemis.

 

Il sait bien qu’on peut parfois se trouver devant des opposants, il demande d’être capables de leur pardonner et même d’aller jusqu’à les aimer. Il sait que cela vient contredire le discours habituel, il sait que bien des gens ne seront pas d’accord avec lui, mais il ose quand même le dire. Jésus tient à ce qu’on le comprenne bien et pour cela il donne des exemples, pris dans la vie courante: la personne qui te gifle... qui te fait un procès... qui veut te forcer à faire un kilomètre avec elle... qui t'empoisonne en voulant t'emprunter de l'argent, du temps ou toute autre chose. Il est clair que pour Jésus ces exemples ne sont pas limitatifs et, de manière bien concrète, il nous invite, nous ses auditeurs d’aujourd’hui, à porter attention à bien d'autres situations de notre vie quotidienne.

 

Pour Jésus, l'amour ne doit pas se retrouver seulement dans le langage de la prière, ce n’est pas seulement un mot, ce n'est pas simplement l'absence de haine, ni le fait d’ignorer le mal qu'on nous a fait, c’est, ce doit être un geste, une action, une parole aimables à l'égard de celle, de celui qui nous a fait du mal : Prie pour celui qui te persécute... laisse ton manteau à celui qui te prend ta tunique... ne te détourne pas de celui qui veut t'emprunter. Il faut bien reconnaître que cela n'est pas facile à faire. Nous sommes toujours un peu surpris par cette parole de la première lecture dite autrefois à Moïse : Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. Jésus reprend cette parole, nous la redit dans ses mots à lui : Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait.

 

Dans ce contexte du sermon sur la montagne, cela veut dire : Vous comptez sur la miséricorde et le pardon de Dieu, sachez que cela exige que les autres puissent aussi compter sur votre miséricorde et votre pardon. Il se peut que cela nous mette un peu mal à l’aise. Il est bon toutefois de se rappeler que les mots pardon et oubli ne sont pas synonymes. Il se peut que nous ne soyons pas capables d’oublier ce qu’on nous a fait vivre, cela n’empêche pas que la grâce de Dieu peut toujours nous rendre capables de pardonner. Jésus sur la croix se souvenait sûrement de tout ce qu’on venait de lui faire subir, et même de la part de ses amis les plus proches. Il ne pouvait pas oublier la souffrance qu’on lui causait, des souffrances horribles. Il a quand même été capable de dire : Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.

 

Le pasteur Martin Luther King, cet homme qu’on ne peut pas oublier, avait compris la vérité et la force de cette exigence évangélique. Il a donné sa vie parce qu'il croyait à cet amour vrai, possible, fruit de la grâce de Dieu. Face à tout ce que vivait la communauté noire de son pays, il a eu ces paroles fortes : Faites-nous ce que vous voulez, nous continuerons à vous aimer. Jetez-nous en prison, nous vous aimerons encore. Envoyez à minuit vos cagoulards perpétrer la violence dans nos communautés et nous laisser à demi-morts, nous vous aimerons encore. Cette attitude est celle même de Dieu qui aime ceux qui ne l'aiment pas :  Le Père fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et les injustes. Ce qui caractérise la morale chrétienne, parce qu’elle se fonde sur la vie et la parole de Jésus, c'est la fraternité avec les proches, la solidarité, l’entraide la bonne entente, la paix, c’est pourquoi nous devons prier souvent pour que cela vienne habiter notre coeur, nous souvenant d’une parole du pape François : Le premier effet d’une prière vraie se manifeste d’abord dans la vie de celui, de celle qui prie.

 

L’évangile de ce dimanche se terminait par ces mots : Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. L'amour du Père est sans limite, l'amour de Jésus lui fait donner sa vie pour tous, c’est cet amour que nous sommes venus célébrer dans cette Eucharistie. Oserons-nous essayer de l'imiter dans notre vie quotidienne au cours de cette semaine ? Ne savez-vous pas, nous disait saint Paul dans la deuxième lecture, que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ?

 

Marc Bouchard, prêtre

mbouchard751@gmail.com