Homélie - 20e dimanche ordinaire A 2020

Homélie
2020/08/17
Homélie - 20e dimanche ordinaire A 2020

20e dimanche ordinaire (Année A 2020)

Homélie
(Is 56,1.6-7 ; Rm 11,13-15.29-32 ; Mt 15, 21-28)

Il arrive que dans les évangiles on nous présente Jésus s’adressant durement à une ou à des personnes qui veulent entrer en contact avec lui. C’est le cas dans le récit d’aujourd’hui de cette rencontre avec la Cananéenne. Tout d’abord, Jésus ne lui répond pas, puis il consent à lui parler, mais d’une façon qui nous semble presqu’insultante. Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. Et ose ajouter : Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. La conversation se termine toutefois fort bien : Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux. Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.

Deux réflexions à partir de ce récit. Une première : Jésus semble vouloir ne s’occuper que des gens du peuple de Dieu, que des Juifs, mais il répond à la demande de cette femme, une païenne. Comment ne pas penser à ces autres paroles de Jésus à la toute fin de sa vie, au moment de quitter ses disciples. Il leur dit : Allez, de toutes les nations, faites des disciples. Des paroles oubliées, ignorées par tellement de gens d’aujourd’hui qui voudraient que les disciples de Jésus ne manifestent leur foi que dans leurs maisons.

Toutes les nations ! L’Évangile doit être annoncé au monde entier, voilà la mission que Jésus confie à ses disciples, et donc d’abord dans leur milieu.  C’est ce qu’annonçait déjà le prophète Isaïe dans la première lecture. Les étrangers, je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière. … Ma maison s’appellera Maison de prière pour tous les peuples. La deuxième lecture disait aussi que c’est aussi ce que saint Paul affirmait : Je suis apôtre des païens. … Il ajoute ces mots surprenants : Dieu, en effet, a enfermé tous les hommes dans le refus de croire pour faire à tous miséricorde, pour faire à tous miséricorde.

Que signifie cette contradiction apparente de Jésus ? S’adresse-t-il seulement à son peuple ou veut-il rejoindre tous les peuples ? Si on lit attentivement les évangiles, on est amené inévitablement à penser que Jésus n’a pas saisi dès les débuts que sa mission devait être universelle. Il se voyait d’abord comme envoyé auprès des Juifs, auprès de son peuple. Nous sommes facilement portés à penser que Jésus savait tout d’avance, qu’il connaissait l’avenir. Le récit évangélique que nous lisons aujourd’hui semble bien, au contraire, nous dire que Jésus a été influencé dans la découverte de la vraie dimension de sa mission, et cette fois par une femme païenne, non juive.

C’est évident, selon les évangiles, qu’au fur et à mesure que Jésus a mieux saisi la volonté de son Père, il a aussi vu s’élargir sa mission. Il ne faut pas oublier que notre foi nous dit que si Jésus était le Fils de Dieu, il était aussi vrai homme, et donc, comme toute personne humaine, il s’est connu lui-même de mieux en mieux tout au long de sa vie, il a découvert peu à peu quelle était sa mission, quelle dimension elle devait prendre.

Il grandissait en âge, en sagesse et en grâce, nous dit le même évangile de saint Matthieu. Pas seulement pendant son enfance à Nazareth, mais aussi durant sa vie d’adulte, tout en reconnaissant que son intelligence hors de l’ordinaire le rendait capable d’une perspicacité étonnante, qui étonnait ses parents, émerveillait ses disciples et tous les gens qui venaient en contact avec lui. Le mystère de l’incarnation : le Fils de Dieu est venu vivre notre vie et a connu notre expérience humaine dans toute sa réalité. C’est intéressant de reconnaître cela parce que sa vie d’homme lui permet d’inviter ses disciples à marcher à sa suite, suivre son exemple, laisser sa vie éclairer la leur.

Une deuxième réflexion, qui découle de la première : ce récit était aussi un message important adressé aux premières communautés chrétiennes où certains acceptaient difficilement qu’on puisse accueillir des païens, des gens qui n’étaient pas des juifs. Et si on le faisait, il fallait obliger ces nouveaux chrétiens, ces nouvelles chrétiennes à se soumettre aux lois de la religion juive. Il est clair que le rappel de cette rencontre de Jésus avec cette femme cananéenne vient dire aux communautés du temps de saint Matthieu que ce n’est pas ainsi qu’il faut agir. Jésus ne met qu’une seule condition à l’accueil de cette femme païenne : Femme, grande est ta foi est grande, que tout se passe pour toi comme tu le veux. Une seule condition, la foi !

Si l’Évangile de ce dimanche est porteur d’un message important pour les communautés chrétiennes du temps de saint Matthieu, il l’est tout autant pour celles de tous les temps : il faut éviter toute attitude d’exclusion, parce que c’est la foi en Jésus, et elle seule, qui fait de quelqu’un un disciple. Une communauté chrétienne peut-elle alors fermer la porte à quelqu’un qui affirme sa foi dans le Christ, peut-elle mettre des exigences qui tiennent des chrétiens, des chrétiennes à l’écart de ce lieu où leur foi peut grandir, où leur vie peut devenir plus conforme à l’Évangile ?

Dans sa lettre La joie de l’Évangile, le pape François écrit ceci : L’Église est appelée à être toujours la maison ouverte du Père. … Tous peuvent participer de quelque manière à la vie ecclésiale, tous peuvent faire partie de la communauté, et même les portes des sacrements ne devraient pas se fermer pour n’importe quelle raison. Ceci vaut surtout pour ce sacrement qui est la porte, le Baptême. L’Eucharistie, même si elle constitue la plénitude de la vie sacramentelle, n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles. … L’Église n’est pas une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile.

Prions pour que notre Église catholique, tout particulièrement ses pasteurs manifestent beaucoup d’ouverture d’esprit et de cœur possible. Prions pour que nous comprenions, pour que les catholiques comprennent que ce Pain des enfants dont parlait le récit évangélique, ce peut être, c’est le Pain de la Parole et de l’Eucharistie, et alors que notre Église n’oublie pas, que ses pasteurs n’oublient pas ceux et celles qui recherchent les miettes qui tombent de la table de leur maître.   

Marc Bouchard, prêtre

mbouchard751@gmail.com