Homélie - 19e dimanche ordinaire A 2020

Homélie
2020/08/11
Homélie - 19e dimanche ordinaire A 2020

19e dimanche ordinaire (Année A 2020)

Homélie
(1 R 19,9.11-13 ; Rm 9,1-5 ; Mt 14,22-33)

Un beau texte que celui de la première lecture, une façon poétique de parler de Dieu, de dire qui il est. Il n’était pas dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu, il ne se fait reconnaître que dans le murmure d’une brise légère. Il est ce Dieu de tendresse dont parlent si souvent les Écritures.

Cette rencontre de Dieu arrive à la fin d’une aventure vécue par le prophète Élie, un récit qui n’est pas sans nous surprendre, comme il arrive souvent dans la Bible. Le prophète avait combattu contre 400 prophètes des dieux Baal et il avait été victorieux en faisant tomber le feu du ciel, un feu destructeur. Il avait aussi mis fin à une sécheresse en faisant venir l’orage et la pluie. Voilà que Dieu lui fait comprendre que ce ne sont pas là les vrais signes de sa présence, comme le pensaient les païens. Le prophète découvre que Dieu se révèle plutôt dans la solitude et le silence de la montagne, lieu de la prière.

Cela nous est dit aussi dans le récit évangélique. Jésus vient de faire un miracle extraordinaire devant une grande foule, ce qui nous a été raconté dimanche dernier, la multiplication des pains. Que fait-il alors ? Comme il faisait si souvent, il se retire dans la montagne à l’écart pour prier. Dans la solitude, le silence de la prière, il va rencontrer Dieu son Père. Avant de quitter les gens, il avait obligé ses disciples à quitter les lieux où ils se trouvaient, à monter dans une barque, à se retirer eux aussi, à s’éloigner sur le lac.

Après cet impressionnant miracle de la multiplication des pains, peut-être Jésus craignait-il pour lui-même et pour ses disciples, de se laisser prendre par la recherche du pouvoir et de s’engager ainsi sur une voie qui n’était pas celle de la mission que son Père lui avait confiée. S’il en est ainsi, on comprend pourquoi Jésus ressent le désir de se ressourcer dans la prière. Jésus vivait sûrement dans la présence constante de son Père, mais les évangiles nous disent qu’il ressentait souvent un grand besoin de silence pour se rendre encore plus disponible à l’Esprit.

Pendant que Jésus prie, à l’écart dans la montagne, Pierre et ses compagnons se retrouvent eux aussi seuls dans leur barque sur le lac. La barque était battue par les vagues, car le vent était contraire. Pêcheurs, ils étaient des habitués du lac de Tibériade, et ce n’est pas parce qu’il faisait mauvais temps qu’ils sont pris de panique. C’est que, tout d’un coup, ils voient quelqu'un s'approcher de la barque, en marchant sur les vagues. On comprend facilement qu’il y avait de quoi être étonné et même avoir peur ; ils se disent, mais c’est un fantôme.

Retentit alors cette voix qu’ils connaissaient bien, la voix d’un ami, une voix qui leur dit : Ayez confiance, c'est moi, n'ayez pas peur. Leur peur disparaît aussitôt, habitués qu’ils sont à voir Jésus faire des choses hors de l’ordinaire et habités par une si grande confiance en lui. Pierre, toujours aussi spontané, a ces mots: Seigneur, si c'est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l'eau. Celui qui avait peur l’instant d’avant, est maintenant prêt à tout parce qu’il a entendu la voix de celui qu’il appelle affectueusement Seigneur. Ce dialogue met Pierre en évidence. Cela peut indiquer que ce sera lui le chef du groupe de ceux qui sont là dans la barque. On peut aussi le voir comme le représentant des apôtres dans leur cheminement qui les fera passer du doute et la confiance. On peut aussi fort bien voir en Pierre la figure de tout croyant, de toute croyante. Peut-être l’évangéliste Matthieu veut-il que ses lecteurs se reconnaissent dans ces paroles et ces agissements de Pierre, se laissent questionner dans leur vie personnelle par son attitude ? Osons nous retrouver dans ce récit comme dans bien d’autres, tout comme dans celui du prophète Élie sur le mont Horeb.

Pour que Pierre ait vraiment confiance en lui, Jésus va plus loin, il lui dit : Viens… Viens me rejoindre. Aussi incroyable que ça puisse paraître, Pierre se met à marcher sur l'eau lui aussi. Mais, après avoir fait quelques pas, il ne peut s’empêcher de regarder autour de lui, et voyant le vent et les vagues il se met à avoir peur. Et il commence à s’enfoncer. L’Évangéliste ne peut pas mieux décrire la vie de tout disciple, de toute chrétienne, de tout chrétien, faite d'élans sincères et de fragilités, de grande générosité et d’hésitation, de certitude et de doute. L'esprit est ardent mais la chair est faible, disait Jésus. Pourtant, s’il a dit à Pierre, Viens…, c’est parce que c’était possible, mais, évidemment, en lui faisant confiance, en comptant sur sa parole, avec son aide.  

Pierre n’aurait pas dû regarder ailleurs, ni s'inquiéter de la force du vent. Avec ses amis, il avait déjà vécu l'épisode de la tempête apaisée. Ce récit d’aujourd’hui nous dit que, même croyants, même fervents, nous ne sommes jamais à l'abri du doute, de l’hésitation à croire, à vivre notre foi. Nous pouvons nous croire forts, capables de résister à toute tentation qui pourrait nous éloigner de l’Évangile, mais il se peut fort bien que, comme Pierre, nous nous mettions à avoir peur de ce que cela exige et que nous perdions pied. Le seul tort de Pierre est d'avoir regardé ailleurs, de s’être laissé déranger par ce qu’il voyait autour de lui. Si son regard n’avait pas quitté Jésus, il aurait pu continuer à marcher et à aller vers lui. Une belle leçon pour les disciples que nous sommes, savoir garder le regard de notre foi tourné vers Jésus. Je crois que c’est là l’essentiel de l’évangélisation en ce temps que nous vivons, nous faire découvrir que Jésus est le seul Sauveur.

Le récit de Matthieu se poursuit par ces mots qui ne doivent pas quitter notre mémoire de disciples : Aussitôt Jésus étendit la main, le saisit. Voilà Pierre en sûreté. Quand c’est nécessaire, il nous faut avoir le même réflexe que Pierre : Seigneur, sauve-moi, sauve-nous ! Nos faiblesses et nos erreurs, nos doutes et nos peurs ont ceci de bon qu'elles peuvent nous inspirer la prière à laquelle le Seigneur ne résiste jamais : Seigneur, ne m’abandonne pas, viens à mon secours. La réponse du Seigneur sera comme celle qu’il a donnée à Pierre : Même si tu affrontes la mer déchaînée, tu passeras à travers sans être submergé. Je me tiens près de toi, je marche avec toi.

 

Marc Bouchard, prêtre

mbouchard751@gmail.com